Le 20 octobre dernier, le Parlement européen a adopté trois résolutions portant respectivement sur le lien entre l’intelligence artificielle et la propriété intellectuelle ; la cadre éthique gravitant autour de l’intelligence artificielle ainsi que son régime de responsabilité.

Au cœur des réflexions du XXIème siècle, ce n’est pas la première fois que le Parlement adopte des résolutions concernant l’intelligence artificielle. La dernière en date, adoptée le 12 février 2019, concernait « la politique industrielle européenne globale sur l’intelligence artificielle et la robotique ».

Parmi les mesures importantes dégagées par ces récentes résolutions, nous avons retenu les points suivants :

Concernant le régime de responsabilité[1]

  • Le Parlement rappelle l’importance de soumettre les tous les systèmes d’IA dans l’Union « à une législation uniforme, fondée sur des principes et à l’épreuve du temps ». En effet, « un cadre juridique transversal et harmonisé fondé sur des principes communs semble nécessaire pour assurer la clarté juridique ».
  • Une refonte complète des régimes de responsabilité n’est pas nécessaire mais « des ajustements spécifiques et coordonnés » sont à prévoir.
  • Pour le Parlement, les systèmes d’IA ne peuvent bénéficier de la personnalité juridique car « l’ensemble des activités, dispositifs ou processus physiques ou virtuels gérés par des systèmes d’IA peuvent techniquement être la cause directe ou indirecte d’un préjudice ou d’un dommage, mais qu’ils ont presque toujours comme point de départ une personne qui développe, déploie ou perturbe un système ». Ainsi, doit être tenu pour responsable « l’ensemble des personnes qui, tout au long de la chaîne de valeur, créent, entretiennent ou contrôlent le risque associé au système d’IA »
  • Le Parlement suggère la possibilité de transformer la directive sur la responsabilité du fait des produits en règlement afin qu’elle soit « mieux adaptée au monde numérique et à même de relever les défis posés par les technologies numériques émergentes ».
  • Le Parlement estime que « les règles de responsabilité relatives à l’opérateur devraient s’appliquer à tous les types d’exploitation des systèmes d’IA» et que la notion d’opérateur comprend l’opérateur frontal « qui exerce un certain contrôle sur un risque associé à la mise en œuvre et au fonctionnement du système d’IA et tire profit de son exploitation » et l’opérateur d’amont « qui, de manière continue, définit les caractéristiques de la technologie, fournit des données ainsi qu’un service essentiel de soutien en amont et exerce donc également un certain contrôle sur le risque lié à l’exploitation et au fonctionnement du système d’IA ».
  • Les systèmes d’IA qui présentent un risque élevé nécessite de « prendre en considération le secteur dans lequel des risques importants sont susceptibles de survenir et la nature des activités exercées » et que « l’importance de ce risque dépend de l’interaction entre la gravité du préjudice éventuel, la probabilité que ce risque cause un préjudice ou un dommage, et la manière dont le système d’IA est utilisé »
  • Le Parlement suggère que le règlement proposé fixe notamment « le montant et l’étendue de l’indemnisation » ; couvre « le préjudice immatériel important entraînant une perte économique vérifiable supérieure à un certain seuil » ou « les violations des droits juridiquement protégés importants que sont le droit à la vie, à la santé, à l’intégrité physique, à la propriété »
  • Enfin, en estimant que « la couverture de la responsabilité est l’un des principaux facteurs déterminants du succès des technologies, produits et services nouveaux », le Parlement considère que « la Commission devrait travailler en étroite collaboration avec le secteur des assurances pour réfléchir à la manière d’utiliser les données et les modèles innovants pour mettre en place des polices d’assurance offrant une couverture adaptée à un prix abordable. »

Concernant le rapport entre IA et propriété intellectuelle[2]

  • Le Parlement « insiste sur l’importance de la création d’un cadre réglementaire opérationnel et pleinement harmonisé dans le domaine des technologies de l’IA» qui devrait plutôt prendre la forme d’un règlement.
  • Estimant que l’Union « a les moyens de devenir chef de file dans la création de technologies de l’IA », le Parlement rappelle « l’importance capitale d’une protection équilibrée des DPI en lien avec les technologies de l’IA, ainsi que de la nature multidimensionnelle de cette protection, et souligne, dans le même temps, qu’il importe d’assurer un niveau élevé de protection des DPI, d’instaurer une sécurité juridique et de renforcer la confiance nécessaire pour encourager les investissements dans ces technologies et faire en sorte qu’elles soient pérennes et utilisées par les consommateurs sur le long terme »
  • Concernant le droit des brevets, le Parlement invite la Commission à s’appuyer sur des « normes sectorielles et une normalisation formelle » dans la mesure ou « les brevets essentiels liés à des normes jouent un rôle majeur dans le développement et la diffusion des nouvelles technologies de l’IA et des technologies connexes et pour garantir l’interopérabilité ».
  • Concernant le droit d’auteur, , le Parlement « estime que les œuvres produites de manière autonome par des agents artificiels et des robots pourraient ne pas bénéficier de la protection par le droit d’auteur, afin de respecter le principe d’originalité, qui est lié à une personne physique, et étant donné que la notion de « création intellectuelle » porte sur la personnalité de l’auteur ». Ainsi le droit d’auteur applicable aux œuvres générées par l’IA ne serait octroyé « qu’à des personnes physiques ou morales qui ont créé l’œuvre de manière licite et que si le titulaire du droit d’auteur a donné son autorisation en cas d’utilisation de contenus protégés par le droit d’auteur ».
  • Concernant les données, le Parlement insiste sur la mise en œuvre d’une stratégie visant à un « juste équilibre entre, d’une part, le soutien aux flux de données, à un accès plus large à celles-ci, à leur utilisation et à leur partage, et, d’autre part, la protection des DPI et des secrets d’affaires, dans le respect des règles en matière de protection des données et de la vie privée »
  • Enfin, le Parlement rappelle que les progrès de l’IA « devront s’accompagner [notamment] d’investissements publics dans les infrastructures, de formations aux compétences numériques et d’améliorations majeures de la connectivité et de l’interopérabilité »

Concernant l’encadrement éthique[3]

  • En rappelant « le droit à l’information des consommateurs », le Parlement insiste sur des principes de « transparence en ce qui concerne l’interaction avec les systèmes d’intelligence artificielle, y compris les processus d’automatisation, et en ce qui concerne le mode de fonctionnement de ces systèmes, leurs capacités ».
  • De même, il est fondamental que « les algorithmes et ensembles de données utilisés ou produits par l’intelligence artificielle, la robotique et les technologies connexes soient explicables » et que par conséquent, « les développeurs et les déployeurs de technologies à haut risque soient tenus, dès lors qu’une évaluation des risques le prescrit, de fournir aux autorités publiques la documentation pertinente sur l’utilisation, la conception et les consignes de sécurité »
  • Le Parlement relève que « les biais et la discrimination éventuels de la part des logiciels, des données et des algorithmes peuvent causer un préjudice manifeste aux individus et à la société, et qu’il convient de les combattre en encourageant le développement et le partage de stratégies visant à les éviter ».
  • Le Parlement rappelle l’importance du rôle de l’intelligence artificielle en matière « de développement durable, de préservation de l’environnement, de neutralité climatique et d’économie circulaire ». En effet, ces technologies, « si elles sont correctement règlementées » permettraient notamment « d’accentuer les effets des politiques de protection de l’environnement, par exemple en matière de réduction des déchets et de lutte contre la dégradation de l’environnement ».
  • L’utilisation des données à caractère personnel et non personnel par l’IA ne doit pas empêcher la conformité de notamment respecter les principes de « proportionnalité et de nécessité » prévus par le RGPD dans la mesure où « l’utilisation abusive de ces technologies peut menacer directement la démocratie ».
  • Afin de maintenir la défense et la sécurité, le Parlement souligne que les systèmes d’IA « doivent disposer d’un cadre de mission concret et bien défini, qui attribue à l’humain la capacité de détecter et de désassocier ou de désactiver les systèmes déployés s’ils dépassent les limites du cadre de la mission définie ».
  • Vecteur de progrès, le Parlement met l’accent sur l’importance de l’IA « dans le secteur des transports » et demande à cet effet que « le processus de modernisation des infrastructures de transport de l’Union, y compris leur intégration dans le réseau 5G, bénéficie d’un financement suffisant ». L’accent est également mis sur la contribution de l’IA « à la création de marchés du travail inclusifs et avoir des incidences sur la santé et la sécurité au travail ».
  • Le Parlement estime que les systèmes d’IA permettent de fournir « des outils éducatifs de qualité pour tous et à tous les niveaux » et préconise « d’adopter une stratégie au niveau de l’Union pour transformer et actualiser nos systèmes éducatifs ». Toutefois, « les possibilités offertes par la numérisation et les nouvelles technologies ne doivent pas entraîner une perte générale d’emplois ».
  • Enfin, le Parlement souligne «  la valeur ajoutée de la désignation, dans chaque État membre, d’organismes de surveillance nationaux, chargés d’assurer, d’évaluer et de contrôler le respect des obligations légales et des principes éthiques » ; « l’importance de la coordination au niveau de l’Union » qui passerait par l’élaboration « des critères communs et une procédure de demande relative à l’octroi d’un certificat européen de conformité éthique» qui « favoriserait l’intégration de l’éthique dès la conception et dans l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement des écosystèmes d’intelligence artificielle ».

 

En conclusion, les résolutions du Parlement européen illustrent bien la complexité et la diversité des projets informatiques intégrant l’utilisation d’une technologie d’intelligence artificielle.

 

Claudia Weber, Avocat fondateur du Cabinet ITLAW Avocats et

Marine Hardy, responsable des pôles Innovations et sécurité

 

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[1] https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2020-0276_FR.html

[2] https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2020-0277_FR.html

[3] https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2020-0275_FR.html

 

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