Le 12 février 2019, le Parlement européen a adopté une résolution « sur une politique industrielle européenne globale sur l’intelligence artificielle et la robotique », quasiment deux ans jour pour jour après la résolution du 16 février 2017 concernant les règles du droit civil sur la robotique.

 

Pour mémoire, le Parlement européen peut adopter des résolutions non contraignantes, suggérant une volonté politique d’agir dans un certain domaine et permettant aux institutions européennes d’adopter des lignes directrices. Les résolutions n’ont donc aucune valeur juridique.

 

Qualifiant l’IA  de « l’une des technologies stratégiques du 21e siècle », le Parlement insiste sur la nécessité de mettre en place un cadre juridique approprié notamment par une approche coordonnée au niveau européen « afin que l’Union soit en mesure de rivaliser avec les investissements de masse effectués par des pays tiers, notamment les Etats-Unis et la Chine. ».

 

Dans cette dense et complète réflexion du Parlement, nous avons retenu notamment les points suivants:

  • le monde du travail sera bouleversé. De ce fait, le Parlement préconise d’adapter « les programmes d’enseignement y compris en mettant en place de nouveaux parcours de formation qui privilégient l’acquisition de compétences numériques.

 

  • l’utilisation malveillante de l’IA doit être une préoccupation majeure notamment face à des menaces telles que «  des attaques à grandes échelles, (…) pour mener des campagnes de désinformation, (…) pour réduire les possibilité d’exercice par les citoyens, de leur doit à l’autodétermination». Pour lutter contre ces risques, le Parlement invite la Commission « à proposer un cadre qui réprime les pratiques de manipulation de la perception lorsque du contenu personnalisé ou des fils d’actualité sont à l’origine de sentiments négatifs et d’une déformation de la perception de la réalité susceptibles d’avoir des répercussions néfastes (vis-à-vis, par exemple, de résultats électoraux ou de problématiques sociales telles que la migration) »

 

  • « l’incertitude règlementaire » sur la propriété des données est un frein au développement de l’intelligence artificielle. Dès lors, le Parlement «  demande davantage de clarté en ce qui concerne les règles de propriété des données et les cadres juridiques en place; (…) l’incertitude règlementaire a engendré des réactions d’une prudence excessive de la part de l’industrie ».

 

  • « l’informatique en nuage a un rôle essentiel à jouer dans l’adoption de l’IA »

 

  • en matière de politique industrielle, le Parlement « estime que tout cadre réglementaire doit avoir un caractère flexible permettant l’innovation et le développement libre de nouvelles technologies et utilisations de l’IA »

 

  • la mise en œuvre du règlement pour la cybersécurité du 27 mars 2019 doit être rapide. En effet, selon le Parlement « l’élaboration de systèmes de certification européens devrait garantir un développement plus résilient ainsi qu’un déploiement plus sécurisé de l’IA et des systèmes de robotique. »

 

  • la mise en place d’un environnement règlementaire favorable à l’IA est une nécessité en prenant notamment en compte que « l’IA est une notion qui englobe un large éventail de produits et d’applications, à commencer par l’automatisation, les algorithmes, l’intelligence artificielle étroite et l’intelligence artificielle générale; estime qu’il convient d’envisager avec précaution toute loi ou réglementation globale de l’IA, car la réglementation sectorielle peut prévoir des politiques suffisamment générales mais également affinées jusqu’à un niveau significatif pour le secteur industriel ».

 

 

  • « les ingénieurs en IA ou les entreprises qui les emploient devraient demeurer responsables des répercussions sociales, environnementales et sur la santé humaine que les systèmes d’IA ou la robotique pourraient avoir sur les générations actuelles et futures». Par ailleurs, le Parlement « déplore toutefois qu’aucune proposition législative n’ait été présentée au cours de la législature actuelle, ce qui retarde la mise à jour des règles en matière de responsabilité au niveau de l’Union et compromet la sécurité juridique dans toute l’Union dans ce domaine, tant pour les commerçants que pour les consommateurs ».

 

  • Il n’est pas nécessaire d’élaborer une règlementation dédiée en matière de propriété intellectuelle. Fidèle à ses recommandations de 2017, le Parlement rappelle « que les régimes et doctrines juridiques existants peuvent s’appliquer en l’état à ce domaine, certains aspects nécessitant néanmoins un examen spécifique; demande encore une fois à la Commission de soutenir une approche transversale et technologiquement neutre de la propriété intellectuelle, qui s’applique aux différents secteurs concernés par l’application de la robotique ».

 

Toutefois le Parlement« souligne qu’il demeure nécessaire de contrôler la pertinence et l’efficacité des règles en matière de propriété intellectuelle lorsqu’elles sont appliquées à la gouvernance de l’IA».

 

« La responsabilité algorithmique devrait être réglementée par les décideurs au moyen d’analyses d’impact fondées sur des paramètres établis» dans une analyse fine. le Parlement précise qu’il sera nécessaire de prendre en compte les réflexions suivantes :
 

  • « la divulgation du code informatique lui-même ne résoudra pas le problème de la transparence de l’IA parce qu’il ne révélerait pas les biais inhérents qui existent et ne permettrait pas d’expliquer le processus d’apprentissage automatique »

  • « la transparence signifie non seulement la transparence du code mais aussi des données et de la prise de décision automatisée;

  • « la divulgation du code source est susceptible de conduire à une mauvaise utilisation des algorithmes et à leur manipulation; »

  • « l’importance de lutter contre les biais des développeurs et donc la nécessité d’avoir une main-d’œuvre diversifiée dans tous les domaines du secteur informatique ainsi que des mécanismes de sauvegarde permettant d’éviter que des biais liés au sexe ou à l’âge ne soient intégrés aux systèmes d’IA; »

 

En conclusion, le Parlement rappelle « que l’Europe devrait jouer un rôle de chef de file sur la scène internationale en déployant uniquement une IA intégrant des principes éthiques ».

 

Marine Hardy, avocat, responsable des pôles Innovations et Sécurité

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