Ainsi, pour produire une chanson « à la manière » des Beatles, l’outil d’IA de Sony a dû être nourri avec l’ensemble des chansons de ce groupe, chansons protégées par le droit d’auteur, le droit voisin des artistes interprètes et le droit voisin du producteur de phonogramme. Les titulaires de ces droits disposent donc des prérogatives leur permettant de s’opposer à la reproduction de leurs œuvres, nécessaire à l’apprentissage par l’outil d’IA.

L’accès aux données dans des conditions juridiques et économiques acceptables par tous les intervenants – titulaires de droits sur les œuvres incorporant les données, comme utilisateurs de technologies d’intelligence artificielle – est donc un enjeu capital pour le développement de l’IA.

Déjà en 2014 le CSPLA avait mené une mission consacrée à l’exploration de données (text and data mining – TDM). Le rapport de mission préconisait alors de « favoriser un développement de l’exploitation de données qui ne soit pas parasitaire de la création et des investissements dans les gisements de contenus ».

En 2016, la loi pour une république numérique a fait un premier pas en ce sens en introduisant dans le code de la propriété intellectuelle une nouvelle exception au droit d’auteur et au droit des producteurs de bases de données, permettant la fouille numérique à des fins de recherche scientifique.

Début 2020, le CSPLA a publié un rapport de mission consacré aux enjeux juridiques et économiques de l’intelligence artificielle dans le secteur culturel. Ce rapport présentait un large panorama des implications de l’IA pour le monde de la culture : utilisation de l’IA dans la consommation et la production de produits culturels, statut des créations issues de l’IA, accès aux œuvres sources et partage des données culturelles.

Aujourd’hui, le CSPLA lance une nouvelle mission spécifiquement consacrée à l’accès aux œuvres sources et plus particulièrement à la mise en œuvre du droit de fouille numérique.

Cette mission s’inscrit dans le cadre juridique mis en place par la directive 2019/790 sur le droit d’auteur dans le marché unique du numérique du 17 avril 2019, qui définit, notamment, deux nouvelles exceptions aux droits de propriété littéraire et artistique destinées à faciliter l’accès aux œuvres protégées. Cette directive doit être transposée en droit français prochainement par voie d’ordonnance.

L’article 3 de la directive concerne le droit de fouille dit « scientifique » dont les bénéficiaires sont principalement les bibliothèques, les musées, les organismes publics de radiodiffusion. Son article 4 a un objet plus large : il concerne le droit de fouille « non scientifique » accordé aux opérateurs ayant un objectif purement commercial et qui ont recours à l’intelligence artificielle. Ce texte prévoit, notamment, un mécanisme de limitation des droits patrimoniaux des titulaires de droits, qui sont présumés consentir à l’accès à leurs œuvres aux fins de fouille, sauf s’ils manifestent expressément et de manière appropriée leur volonté de s’y opposer (opt out ou option de retrait).

Selon la lettre de mission, la transposition de la directive en droit français soulève des questions d’ordre technique, juridique et économique auxquelles le rapport de mission devra répondre :

  • sur le plan technique, il s’agira d’apporter des éléments de compréhension du fonctionnement de l’option de retrait reconnue aux titulaires de droits ;
  • sur le plan juridique, il s’agira de préciser le régime du consentement présumé des titulaires de droits à la fouille de leurs œuvres et l’articulation de cette nouvelle exception avec d’autres exceptions prévues dans la directive ou dans des directives précédentes et avec le nouveau droit voisin des agences et éditeurs de presse ;
  • sur le plan économique, il s’agira d’apprécier la pertinence de la nouvelle exception de fouille qui, par construction, risque de pousser les titulaires de droits de faire un usage systématique de leur option de retrait afin d’empêcher une fouille massive de leurs données.

Il est prévu que le rapport soit remis en décembre 2020. Il ne pourra donc pas être tenu compte de ses conclusions pour la transposition de la directive. Il devrait néanmoins apporter des éclairages bienvenus sur cette nouvelle exception aux droits de propriété littéraire et artistique qui s’avère très technique.

 

Jean-Christophe Ienné, avocat, directeur des pôles Propriété intellectuelle & industrielle, Médias & Audiovisuel et Internet | ITLAW Avocats | contact@itlaw.fr

 

Le Cabinet ITLAW Avocats, fort de son expertise depuis plus de 25 ans en propriété intellectuelle, en nouvelles technologies et en protection des données, accompagne ses clients dans leur mise en conformité de leurs projets. Nous sommes à votre disposition pour toute assistance à ce sujet.

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