A l’occasion d’une saisie contrefaçon, des documents contenant des informations relevant du secret des affaires peuvent être saisis. Comment alors concilier les intérêts contradictoires en présence ? Dans un arrêt récent, la Cour de cassation apporte quelques éléments de réponse.

 

La saisie-contrefaçon est une procédure qui permet aux titulaires de droits de propriété intellectuelle – par exemple, droit d’auteur, brevet, marque, dessin et modèle – d’obtenir des éléments de preuve de l’existence d’une contrefaçon et de son étendue auprès du contrefacteur ou d’un tiers. Efficace en raison de son caractère non contradictoire, cette procédure est essentielle dans le succès d’une action en contrefaçon. Elle reste délicate à mettre en œuvre en raison de ses nombreux pièges.

A l’occasion d’une saisie contrefaçon, des informations et des documents couverts par le secret des affaires peuvent être saisis chez le destinataire de la mesure.

De telles informations bénéficient d’une protection judiciaire aux termes de dispositions introduites en 2018 dans le code de commerce. Pour bénéficier de cette protection, les informations ne doivent pas généralement être connues ou aisément accessibles par les personnes intéressées, doivent revêtir une valeur commerciale et faire l’objet de mesures de protection raisonnables.

Comment alors concilier l’effectivité de la saisie contrefaçon et le respect du secret des affaires ?

Dans un arrêt rendu le 1er février 2023, la chambre commerciale de la Cour de cassation apporte quelques précisions.

 

Que s’est-il passé ?

Le 09 octobre 2019, la société V a assigné la société T en nullité d’une partie des revendications d’un de ses brevets.

Le 07 janvier suivant, la société T a obtenu deux ordonnances de saisie-contrefaçon dans les locaux de la société V autorisant notamment la saisie de documents « sous réserve de placement sous scellés en cas d’atteinte au secret des affaires ».

Le 6 février 2020, la société V a assigné la société T aux fins d’obtenir la rétractation des deux ordonnances ou, subsidiairement, aux fins de détermination des modalités de divulgation des pièces saisies.

Le juge a placé sous scellés les documents saisis afin de sauvegarder leur confidentialité, décision confirmée en appel.

 

Quelle solution a été retenue par la Cour de cassation ?

Dans son pourvoi, la société V reproche au juge du fond d’avoir ordonné une mesure de placement sous scellés afin de sauvegarder le secret des affaires, au lieu d’une mesure de placement sous séquestre provisoire, seule prévue par l’article R153-1 du code de commerce relatif à la protection du secret des affaires.

Ce texte prévoit en effet que le juge, lorsqu’il est saisi sur requête d’une mesure d’instruction peut ordonner d’office le placement sous séquestre provisoire des pièces couvertes par le secret des affaires. Il s’applique également aux requêtes aux fins de saisie contrefaçon (par exemple, pour les brevets, voir l’article R615-2 du code de la propriété intellectuelle).

La Cour suit le demandeur et juge que la protection du secret des affaires dans le cadre de l’exécution d’une mesure de saisie contrefaçon ne peut être assurée que par le biais d’un placement sous séquestre provisoire, seule mesure prévue par l’article R153-1 du code de commerce, à l’exclusion du placement sous scellés.

Pourquoi cette solution ?

Le placement sous scellés et le placement sous séquestre provisoire apparaissent à première vue être des mesures équivalentes. Alors pourquoi faire prévaloir l’une plutôt que l’autre ?

Le régime de protection du secret des affaires contient un mécanisme destiné à protéger la confidentialité des pièces demandées devant les juridictions civiles ou commerciales. Dans un premier temps, le juge saisi sur requête peut placer les pièces sous séquestre provisoire, ce qui en interdit l’accès au demandeur. Si le défendeur ne conteste pas cette mesure dans un délai d’un mois à compter de la signification de l’ordonnance, la mesure est levée et les pièces sont transmises au demandeur. Dans le cas contraire, la mesure peut soit être modifiée ou retirée soit, si les pièces sont nécessaires à la solution du litige, déboucher sur le déclenchement de la procédure de contrôle de la communication de ces pièces, prévues par les articles R153-2 et suivants du code de commerce.

Ce mécanisme ne peut pas être mis en œuvre si la mesure prononcée est un placement sous scellés des pièces saisies. C’est pourquoi la Cours décide que pour garantir le respect du secret des affaires dans les conditions prévues par le code de commerce, seule une mesure de placement sous séquestre provisoire est permise au juge.

Pour la Cour de cassation, il s’agit en définitive d’appliquer de manière cumulative les procédures de saisie contrefaçon et de sauvegarde du secret des affaires, en respectant le domaine d’application de chacune d’elles.

Si l’exécution d’une mesure de saisie contrefaçon conduit à l’appréhension de pièces couvertes par le secret des affaires, ce sont donc des procédures gigognes qui devront être mises en œuvre et coordonnées entre elles, notamment en termes de délais.

 

Que faut-il retenir ?

  • Côté saisissant : il est important d’apporter une attention particulière à la rédaction de la requête en saisie contrefaçon et du projet d’ordonnance, afin de cantonner les demandes relatives au traitement des pièces saisies relevant du secret des affaires à des demandes compatibles avec les dispositions procédurales applicables au secret des affaires.
  • Côté saisi : il est impératif de respecter les procédures et délais, notamment le délai d’un mois pour contester la mesure de séquestre, imposés par les articles R153-1 et suivant du Code de commerce, de manière à assurer la confidentialité des pièces demandées.

 

La technicité de la saisie contrefaçon, redoublée lorsque des pièces confidentielles sont concernées, demande un soin particulier. Le cabinet ITLAW Avocats peut vous assister en demande comme en défense, à l’occasion d’un contentieux mettant en œuvre une saisie contrefaçon et l’appréhension de pièces couvertes par le secret des affaires.

Jean-Christophe Ienné, avocat directeur du pôle Propriété Intellectuelle et Claudia Weber, Avocat fondateur d’ITLAW Avocats

 

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Cass.com., 1er février 2023, n°21-22.225, Publié au bulletin

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