• La difficile combinaison entre Méthode AGILE et expression des besoins du Client : qui est responsable ?

    La méthode agile est un mode de gestion de projet qui est collaboratif et flexible impliquant le Client dans le cycle de développement de son projet.

    Cette méthode est souvent utilisée pour la réalisation de sites internet ou de logiciel lorsque le Client n’a pas de vision aboutie ou suffisamment précise de ses besoins qui vont ainsi se préciser, s’affirmer ou se modifier pendant les différentes phases de développement.

    Cela implique un découpage du projet en courte étapes (itérations) qui permet aux parties de valider au fur et à mesure de l’avancement des travaux et d’ajuster les besoins du Client.

    Les enjeux juridiques de la méthode AGILE :

    En général il n’y a pas de cahier des charges, le planning est estimatif et les conditions financières le sont tout autant.

    La forte implication et collaboration du Client avec le Prestataire (qui lui aussi doit remplir son rôle et conseiller davantage le Client) devient une condition sine qua non de la réussite du projet : en effet, laisser le Prestataire arbitrer, faire des choix fonctionnels ou métiers, à toute chance de rendre le Client insatisfait au jour de la livraison.

    Qui est responsable de quoi dans un projet en méthode AGILE ?

    L’arrêt de la cour d’appel de Paris du 6 janvier 2023 est venu confirmer la nécessité d’inscrire contractuellement, de manière précise, la méthodologie, la gouvernance et les conséquences en matière de responsabilité, surtout pour les projets AGILE.

    Pourquoi ? Parce que le Prestataire et le Client exercent des responsabilités différentes selon qu’un projet est réalisé en mode classique ou Agile. En effet, l’obligation de conseil du Prestataire ainsi que l’obligation de collaboration du Client vont différer.

    Que s’est-il passé ?

    • Une start-up spécialisée dans le bien-être animal (le « Client ») confie à un Prestataire informatique son projet de développement de deux applications ainsi que d’un site webAucun cahier des charges n’a été établi au moment de la contractualisation.
    • Les décisions n’indiquent pas précisément que les parties ont choisi de travailler sur la base de la méthode AGILE, seule la méthodologie de construction du site entre les parties nous laisse penser que c’était le cas. En effet, de multiples échanges entre les parties montrent la progression constante de la construction des fonctionnalités opérationnelles. En l’espèce, le Prestataire devait suivre les demandes du Client au fur et à mesure de l’envoi des maquettes fonctionnelles.
    • Tout au long du développement, le Client fait des demandes répétées de modifications qui impliquent l’établissement de nouveaux devis par le Prestataire.
    • Le Client néglige de payer les acomptes des devis du Prestataire.
    • Insatisfait du travail réalisé, le Client décide, d’une part, de confier son projet à un autre prestataire et, d’autre part, de demander le remboursement des sommes payées à son premier Prestataire devant le Tribunal de commerce de Paris.
    • Le 7 octobre 2020, le Tribunal de commerce de Paris[1] refuse d’accorder ce remboursement au Client. Le jugement souligne l’absence d’expression des besoins du Client et l’inexistence d’un cahier des charges, et en conclue l’absence de responsabilité du Prestataire. Pour plus de détails sur cette décision de première instance => voir notre article de l’époque ici.
    • Le Client a fait appel de cette première décision.

    Concrètement quels étaient les reproches de l’un vis-à-vis de l’autre ?

    • Le Client reprochait au Prestataire :
      • Des dysfonctionnements sur les applications mobiles ainsi qu’un délai de livraison trop long.
      • Le Client considère que les prestations attendues n’ont pas été honorés et que le Prestataire n’a pas exécuté le contrat de bonne foi.
      • Enfin, le Client soutient que les procès-verbaux de recette auraient été signés « sous la contrainte » et n’auraient « par conséquent aucune valeur ».
    • De son côté, le Prestataire reproche au Client :
      • De ne pas avoir satisfait à son obligation de collaboration, notamment en n’ayant pas fait preuve de disponibilité et de réactivité.
      • Des retards de paiements réguliers

    Quelle est la solution retenue par la cour d’appel de Paris ?

    • Le 6 janvier 2023, la cour d’appel de Paris a retenu la même solution que le Tribunal de commerce en 2020 et rejette les demandes du Client.
    • La Cour d’appel de Paris souligne qu’aucun manquement n’est imputable au Prestataire au motif que ce dernier a toujours réagi rapidement lors d’une demande de modification et cherchait systématiquement à répondre aux attentes de son Client.
    • De plus, la cour rappelle l’importance de ne pas signer un procès-verbal de recette sans émettre de réserves, en l’absence de vérifications et tests nécessaires.

    Que faut-il retenir ?

    • La méthode AGILE nécessite une gouvernance différente des projets classiques notamment du fait de l’absence de cahier des charges, de calendrier impératif, du budget précis. Il faut donc anticiper les risques inhérents à cette méthode particulière.
    • La rédaction d’un contrat de réalisation d’un projet en mode AGILE établi sur mesure, adapté aux spécificités de cette méthode est un outil juridique efficace pour anticiper ces risques.

    Si ce  contrat cadre prévoit notamment des clauses de gouvernance, calendrier, recette et conditions financières pertinentes et s’il cadre bien les rôles et responsabilités de chaque partie ; il sera un atout de taille, en particulier en cas de dérapage du projet.

Claudia Weber, avocat fondateur | ITLAW Avocats

Besoin d’aide pour construire vos contrats IT selon la méthode AGILE ?

ITLAW Avocats accompagne ses clients depuis 26 ans dans la rédaction et la négociation des contrats IT, y compris d‘innovation , de projets informatiques complexes et de propriété intellectuelle  et mobilise ses talents , ses expertises , ainsi que sa connaissance de l’écosystème IT, y compris des achats, pour vous accompagner dans la sécurisation et vos projets.

[1] Tribunal de commerce de Paris, 8ème ch., jugement du 7 octobre 2020, « OOPET / DUAL MEDIA COMMUNICATION ».

Nous contacter