Le 17 avril 2019, deux directives européennes sur le droit d’auteur [1] ont été adoptées. Les Etats membres de l’Union Européenne (UE) étaient tenus de les transposer dans leur législation nationale, au plus tard le 7 juin 2021. Beaucoup d’entre eux n’ont pas respecté leurs obligations dans ce délai. La Commission européenne leur a adressé fin juillet une mise en demeure de procéder à cette transposition, première étape d’une procédure qui peut aboutir à des sanctions.

C’est l’occasion de faire le point sur la transposition en droit français de ces directives, il est vrai un peu chaotique, et sur cette procédure de sanction.

 

Les directives sur le droit d’auteur :

La directive sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique :

Le droit d’auteur fait l’objet au sein de l’UE de nombreuses directives d’harmonisation, soit sur des thème spécifiques (logiciel, droit de prêt et de location, durée de la protection, gestion collective…) soit d’ordre plus général comme la directive du 22 mai 2001[2]. La directive de 2019 est venue compléter et modifier celle de 2001, afin d’adapter le régime de protection du droit d’auteur et des droits voisins au contexte numérique actuel . Elle traite des points suivants :

  • La responsabilisation des plateformes de partage ;
  • La création d’un droit voisin au bénéfice des éditeurs de publications et agences de presse ;
  • La mise en place de nouvelles exceptions au droit d’auteur, telles que le droit de fouille de textes et de données ;
  • L’amélioration de l’accès aux œuvres et de l’octroi de licences ;
  • La création d’un socle européen commun des contrats d’exploitation des droits d’auteur et des droits voisins, portant notamment sur la rémunération des auteurs, une obligation de transparence se traduisant par une obligation de reddition des comptes pesant sur les exploitants, obligations sanctionnées par la possibilité pour le titulaire des droits de mettre fin au contrat.

La directive sur les programmes de télévision et de radio en ligne :

En 1993, les dispositions du droit d’auteur relatives à la radiodiffusion par satellite et à la retransmission par câble avaient fait l’objet d’une directive d’harmonisation. Là encore, l’évolution des techniques numériques de diffusion des programmes a rendu nécessaire l’évolution de la règlementation en la matière. La directive de 2019 harmonise donc l’exercice du droit d’auteur applicable à la transmission en ligne, la radiodiffusion et la retransmission de programmes de télévision et de radio.

Elle a pour objectif de permettre à la fois une plus large disponibilité des programmes au sein des Etats-membres de l’UE et une juste rémunération des titulaires de droits, notamment en étendant le champ de la gestion collective obligatoire.

L’état de la transposition de ces deux directives :

Ces deux directives devaient être transposées par les Etats-membres, au plus tard le 7 juin 2021.

Néanmoins, 22 Etats-membres n’ont pas ou ont insuffisamment transposé la directive sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique, dans le délai imposé. Il en est de même pour la directive sur les programmes de télévision et de radio en ligne, pour laquelle 20 Etats-membres n’ont pas respecté leur obligation de transposition.

La situation en France :

La France fait partie des Etats-membres visés par la procédure d’infraction relative aux directives du 17 avril 2019, puisqu’elle n’en a transposé qu’une partie. Pourtant, la France avait commencé à prendre des mesures concernant deux apports clés de la directive marché unique numérique (la responsabilité plus stricte des exploitants de plateformes de partage en ligne et la création d’un droit voisin pour les éditeurs de presse), avant même qu’elle soit définitivement adoptée[3].

Une fois les directives adoptées, la France a commencé le processus de transposition rapidement, dès juillet 2019 pour certaines dispositions puis en intégrant de nombreuses dispositions de transposition dans le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique de décembre 2019. La crise sanitaire de la Covid 19 a empêché l’examen de ce projet. Le processus de transposition en a notablement été retardé.

Aujourd’hui, les dispositions transposées sont les suivantes :

  • Concernant la directive sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique :
    • Le droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse a été créé par une loi du 24 juillet 2019[4];
    • Une ordonnance du 12 mai 2021[5] a transposé une partie importante de la directive, notamment en ce qui concerne la responsabilité des exploitants de plateformes en ligne et les contrats d’exploitation ; sur la responsabilité des plateformes de partage, la transposition n’est toutefois pas achevée car certaines dispositions doivent être complétées par des décrets qui n’ont pas encore été publiés ;
    • Il reste à transposer les dispositions de la directive relatives à l’adaptation des exceptions et des limitations à l’environnement numérique et transfrontière et à l’amélioration des pratiques en matière d’octroi de licences et à assurer un accès plus large aux contenus, pour lesquelles une troisième ordonnance de transposition est prévue.
  • En ce qui concerne la directive sur les programmes de télévision et de radio en ligne : une ordonnance du 23 juin 2021 a été prise afin de transposer l’ensemble de la directive[6].

Il est à noter que la France avait déjà fait l’objet d’une procédure d’infraction au regard de la transposition de la directive sur le droit d’auteur de 2001.

 

La procédure d’infraction engagée par la Commission européenne :

Ainsi, au regard de cette insuffisance de transposition, la Commission européenne a engagé une procédure d’infraction en adressant une lettre de mise en demeure aux Etats-membres concernés, dont la France.

Cette procédure a pour objectif de rendre effective au niveau européen l’harmonisation du droit réalisé au moyen de directives européennes en imposant aux Etats-membres de rendre conforme leur droit au droit de l’UE[7]. Elle est composée de 5 étapes :

  • Envoi d’une mise en demeure par la Commission européenne afin d’obtenir plus d’informations des Etats-membres n’ayant pas respecté leurs obligations. Ils disposent d’un certain délai (ici 2 mois) pour y répondre ;
  • Envoi d’un avis motivé par la Commission européenne si elle estime que la première étape n’était pas suffisante. Elle demande aux Etats-membres concernés de se conformer au droit de l’UE et de l’informer des mesures qu’ils auront prises, dans un délai déterminé ;
  • Saisine de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) par la Commission européenne, si la deuxième étape n’a pas été concluante ;
  • Risques de sanctions prononcées par la CJUE ;
  • Mise en conformité par les Etats-membres de leur législation au regard du droit de l’UE et de l’arrêt rendu par la CJUE. S’ils ne respectent toujours pas leurs obligations, ils peuvent être renvoyés devant la CJUE et recevoir des sanctions financières.

Par conséquent, les Etats-membres concernés, dont la France, doivent rapidement répondre à la mise en demeure envoyée par la Commission européenne et se mettre en conformité avec le droit de l’UE, afin d’éviter une sanction financière.

La transposition en droit français et déjà bien avancée et il y a peu de risque que la France soit sanctionnée.

Jean-Christophe Ienné, avocat directeur des pôles Propriété Intellectuelle, Internet et Audiovisuel et Zannirah Randera, juriste | ITLAWAvocats

 

Pour en savoir plus sur la nouvelle directive sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique, consultez nos articles :

 

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[1] Directive (UE) 2019/790 en date du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et la Directive (UE) 2019/789 du 17 avril 2019 établissant des règles sur l’exercice du droit d’auteur et des droits voisins applicables à certaines transmissions en ligne d’organismes de radiodiffusion et retransmission de programmes de télévision et de radio

[2] Directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information

[3] Voir notre article : Mise en œuvre en France de la directive droit d’auteur dans le marché unique numérique.

[4] Loi n°2019-775 du 24 juillet 2019

[5] Ordonnance n°2021-580 du 12 mai 2021

[6] Ordonnance n°2021-798 du 23 juin 2021

[7] Procédure d’infraction de la Commission européenne : https://ec.europa.eu/info/law/law-making-process/applying-eu-law/infringement-procedure_fr

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