En publiant des messages sur les réseaux sociaux, le titulaire d’un compte est par principe responsable du contenu publié, il est directeur de publication au sens de la loi de la presse[1]. Cette qualification est déterminante : le titulaire d’un compte répondra comme auteur principal de tout ce qui est publié sur le compte.

Cependant, il est parfois difficile de déterminer qui est le titulaire du compte, qui est l’auteur des propos potentiellement répréhensibles.

Le 6 décembre 2021, le tribunal correctionnel de Fontainebleau juge que le titulaire d’un compte Facebook peut être identifié grâce à son téléphone et, en tant que « directeur de publication », ce titulaire est reconnu coupable de diffamation publique envers une personne exerçant un mandant d’intérêt général  (jugement du 6 décembre 2021).

Que s’est-il passé ?

Un habitant de la ville de Montereau est mis en cause devant le tribunal correction de Fontainebleau, en sa supposée qualité de directeur de la publication d’une page Facebook contenant des propos diffamatoires litigieux à l’encontre du maire de la commune de Montereau Fault Yonne.

Pour identifier le titulaire du compte, le président du tribunal judiciaire de Paris a ordonné sur requête à Facebook Ireland Limited de communiquer les données permettant l’identification du titulaire du compte à l’origine de la création de la page Facebook litigieuse.

Les données ainsi communiquées comportaient précisément le numéro de téléphone vérifié identifiant le titulaire du compte.

Le mis en cause conteste cette qualité de directeur de publication en prétendant qu’une tierce personne lui aurait subtilisé son téléphone portable pour réaliser cette opération.

La décision du Tribunal correctionnel

Dans son jugement du 6 décembre 2022, le tribunal correctionnel de Fontainebleau rejette les arguments en défense développés par le mis en cause en prenant soin de préciser qu’: « il résulte de ces éléments, qu’il est établi que M. Y. est à l’origine de la création de la page Facebook et à ce titre dispose de tous les éléments utiles à sa gestion et notamment les publications qui y figurent. Par conséquent, il y a lieu de le considérer comme directeur de publication. ».

Pour rappel, les articles 93-2 et 93-3 de la loi du 29 juillet 1992 sur la communication audiovisuelle posent que le responsable des infractions commises par un service de communication au public par voie électronique est le directeur de la publication, qui est défini comme la personne physique qui fournit le service.

Par ailleurs, il est désormais de jurisprudence constante que : « le titulaire d’un compte Facebook en est en conséquence le directeur de la publication »[2].

Il est donc logique que les poursuites pour diffamation publiques aient été retenues à l’encontre du titulaire, le tribunal relevant que les propos imputables à ce dernier démontrent son intention de nuire et sont de nature à porter atteinte à la considération du maire.

Le tribunal condamne ainsi le mis en cause au paiement d’une amende de 500 euros, mais aussi au versement de la somme de 400 euros en réparation du préjudice moral subi par la partie civile ainsi qu’au paiement de la somme de 1500 euros au titre des sommes engagées par la partie civile, conformément à l’article 475-1 du code de procédure pénale.

Ce qu’il faut retenir

  • le délit de diffamation est réprimé par l’article 29, §1 de la loi du 29 juillet 1881[3].
  • La procédure dite « cell verified » permet l’identification du titulaire du compte par la confirmation d’un code reçu par texto sur son du numéro de mobile afin de finaliser la création d’un compte.
  • L’utilisateur « cell verified » ouvrant un compte sur un réseau social aura la qualité de directeur de publication des délits de presse commis sur les pages de leur compte et verra sa responsabilité engagée dans les conditions de l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle.

 

Nos recommandations

  • Il est primordial de sécuriser ses identifiants sur les réseaux sociaux, la responsabilité éditoriale pèse sur le titulaire du compte qui sera présumé responsable aussi bien de ses publications personnelles que de tous les commentaires postés sur son compte, sous réserve de l’article 93-3, al. 4 de la loi du 29 juillet 1982 précisant que sa responsabilité n’est pas engagée s’il : “n’avait pas effectivement connaissance du message avant sa mise en ligne ou si, dès le moment où il en a eu connaissance, il a agi promptement pour retirer ce message“.
  • Cela est valable tant pour les particuliers que pour les professionnels personnes morales, le dirigeant personne physique de la personne morale est considéré comme le directeur de publication des propos qui pourraient être tenus sur les différents sites et réseaux sociaux de communication de la personne morale
  • Dès lors, il est fondamental garder la maitriser sa communication sur les réseaux sociaux, y compris et surtout en situation de crise (badbuzz, limitation de l’effet Streisand, etc).

 Jérôme Dalmont, avocat collaborateur et Karim Amrar, élève avocat |ITLAW Avocats

 

 Besoin d’aide pour maitriser votre communication et protéger votre e-réputation sur les réseaux sociaux ?

Le Cabinet ITLAW Avocats, fort de son expertise depuis plus de 25 ans en matière de nouvelles technologies, de protection des données personnelles et du droit de la presse est à votre disposition pour répondre à vos questions et trouver les solutions adaptées à votre contexte et vos besoins.

ITLAW Avocats mobilise ses talents et son expertise en matière de protection des données personnelles,  de projets informatiques complexes, de contrats, d’innovation et de propriété intellectuelle  ainsi que sa connaissance de l’écosystème IT et son expertise en matière de négociation pour vous accompagner dans la sécurisation de vos projets complexes.

 

[1] V. Cass. Crim., 17 mars 2015, n°13-87.922

[2] Voir pour une application récente, TGI de Pau, Ch. Correctionnelle, 12 nov. 2018

[3] L’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 réprime : « Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle semble faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommé, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés ».

Nous contacter