Twitter France est mis en cause pour « refus de répondre à une réquisition » et « complicité d’injure publique ».

Avec plus de 326 millions d’utilisateurs, Twitter est devenu un réseau social privilégié pour diffuser, lire et commenter publiquement des messages postés dans la Twittosphère – composé de tous types de profils – de la personnalité publique depuis un compte certifié à l’anonyme intervenant sous pseudonyme.

Des propos illicites, tels que des propos diffamatoires, haineux ou appelant à la violence, peuvent être diffusés rapidement dans la Twittosphère sous couvert de l’anonymat.

Alors qu’il lui est demandé de lever cet anonymat, Twitter France s’y refuse. Le jugement du tribunal correctionnel de Versailles est attendu pour le 21 mars 2022.

Une condamnation de Twitter France à lever cet anonymat serait de nature à créer un précédent. Pourquoi ?

  • Que reproche-t-on à Twitter France ?

Le 17 janvier 2022, Twitter France et son directeur général, Damien Viel, ont été présentés au tribunal correctionnel de Versailles pour ne pas avoir répondu aux réquisitions des autorités visant à identifier des utilisateurs de messages injurieux à l’endroit d’un responsable de la préfecture des Yvelines.

Les enquêteurs agissant sous l’autorité du parquet de Versailles se sont confrontés au refus de Twitter France de lever l’anonymat des comptes des auteurs responsables de contenus injurieux.

Lors de l’audience, Damien Viel s’est défendu de toute responsabilité en insistant sur le fait qu’il a simplement la charge « du développement économique de Twitter » et en précisant que Twitter France « est une entité qui ne stocke pas de données » et que « cela dépend de la bonne volonté de Twitter International, qui est en dehors de la juridiction française et qui choisit de coopérer ou pas ».

  • Twitter est -il tenu de lever l’anonymat des comptes litigieux ?

En terme juridique, le réseau social est assimilé à un prestataire d’hébergement[1] au sens de l’article 6, I, 2 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique dite LCEN. Les réseaux sociaux bénéficient ainsi, d’une sorte « d’irresponsabilité pénale” de principe prévue par la LCEN, puisqu’ils ne peuvent être inquiétés que dans les cas où ils n’ont pas « promptement réagi en cas de notification d’un contenu illicite »[2].

Au regard de l’article 6-II de la LCEN, il est indispensable d’obtenir une décision judiciaire afin d’obtenir du réseau social Twitter les données permettant l’identification de l’utilisateur, une simple demande ne suffisant pas[3]. Cette décision judiciaire peut prendre la forme d’une requête comme en l’espèce ou d’un référé.

L’article 6 VI de la LCEN sanctionne ainsi d’un an d’emprisonnement et de 75 000 EUR d’amende le fait de ne pas déférer à la demande d’une autorité judiciaire d’obtenir communication desdites données.

En l’espèce, la réquisition transmise à Twitter France est restée sans effet. Reste à savoir si le procureur devait poursuivre Twitter France ou Twitter international située en Irlande.

  • Twitter France héberge-t-il les comptes litigieux ?

A cette date, aucune décision n’a encore été rendue au fond sur la problématique de l’engagement de la responsabilité de la société Twitter France.

Se pose la question de savoir si le tribunal correctionnel de Versailles dans son jugement attendu pour le 21 mars 2022 se ralliera aux décisions rendues en référé qui ont écarté sa responsabilité.

On a effet le souvenir que quelques mois auparavant, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris dans son ordonnance du 6 juillet 2021 – déclare irrecevable les demandes fondées contre la société Twitter France, dont l’activité est la commercialisation et la monétisation du réseau social, et non une activité d’hébergeur[4].

Il relève que le fondement du litige au fond, en vue duquel il est demandé une mesure d’instruction in futurum, vise des manquements qui ne peuvent être reprochés qu’à la société Twitter International Company, en sa qualité d’hébergeur.

A contrario, dans une ordonnance de référé du 25 février 2021[5], le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris déclare recevable les demandes fondées contre la société Twitter International Company – puisqu’il n’est pas contesté que le compte litigieux est hébergé par la société Twitter International Company – et lui ordonne de communiquer à la plaignante l’ensemble des données qu’elle détient de nature à permettre l’identification du titulaire du compte Twitter litigieux.

Dans cette affaire, la société Twitter International Company disposait d’un délai de 10 jours à compter de la signification de l’ordonnance du Tribunal pour procéder à cette communication.

Il faut noter que dans un avenir relativement proche, les règles liées à la modération des contenus ont vocation à évoluer avec le Digital Services Act (DSA) et le règlement E-evidence qui prévoient un volet sur l’injonction aux plateformes de délivrer des informations aux autorités compétentes. 

 

Ce qu’il faut retenir :

  •  En cas de contenu potentiellement diffamatoire ou injurieux :
    • Nous recommandons en premier lieu d’obtenir directement du réseau social concerné la suppression du message litigieux dans le cadre de la procédure de signalement mise en place sur le réseau.
    • Pour pallier l’anonymat de messages litigieux, il faudra demander les données d’identification par requête ou en référé, parallèlement à votre plainte pénale.
  • Les réseaux sociaux, s’ils sont qualifiés « d’hébergeur » ont l’obligation de conserver pendant une durée d’un an à compter de la date de fermeture d’un compte les données d’identifications déterminées par l’article 1.3° du décret n°2011-219 du 25 février 2011. Donc il faut agir vite.
  • La levée d’anonymat sur les réseaux sociaux est possible et demande un accompagnement juridique adapté.

Claudia Weber, avocat fondateur et Karim Amrar, élève avocat | ITLAW Avocats  

 

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[1] Civ.1ere, 17 février 2011, n°09-13.202, Tiscali

[2]Article 6, I de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique

[3] Cette mesure peut être sollicitée soit dans le cadre de l’article 6 la LCEN soit dans le cadre du droit commun – à savoir les articles 145, 808 et 809 du CPC.

[4] Tribunal judiciaire de Paris (ord. réf.), 6 juillet 2021, n° 20/53181, UEJF et a. c/ S  Twitter  France et S  Twitter  International Company

[5] https://www.legalis.net/jurisprudences/tribunal-judiciaire-de-paris-ordonnance-de-refere-du-25-fevrier-2021/

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