Dans un récent arrêt en date du 8 janvier 2024, la chambre commerciale de la Cour d’Appel de Bordeaux a eu à se prononcer sur l’application concrète de la garantie des vices cachés concernant un logiciel informatique.

Cette récente solution très stricte appelle à la vigilance de la part des revendeurs dans le versioning[1] des solutions qu’ils distribuent.

Quel était le contexte ?

Le prestataire en cause, la société « CisValley » a une activité de conseil en informatique et de vente de matériels informatiques, notamment de marque la Hewlett-Packard.

La société cliente, « Tessi Technologies » exerce une activité de conseil en systèmes et logiciels informatiques. A ce titre, elle propose à ses clients du stockage de données.

En 2016, la société Tessi Technologies » avait ainsi souhaité acquérir son propre Data Center et s’était rapprochée de la société Cis Valley qui lui a vendu un serveur de marque Hewlett-Packard accompagné d’une prestation de maintenance.

A noter que le jour même de l’installation du serveur chez le client par le prestataire, la société Hewlett-Packard qui fournissait le matériel avait mis à disposition de ses clients une nouvelle version du logiciel équipant le matériel livré. Cette nouvelle version n’avait pas été installée.

De plus, une note accompagnant cette mise à jour faisant état de certains dysfonctionnements.

Que s’était-il passé ?

Quatre mois suivant l’installation du serveur, le client a signalé un grave incident à son prestataire l’ayant obligé à basculer les données de ses clients sur une infrastructure d’urgence.

Le prestataire est intervenu et a également fait intervenir le fournisseur du matériel, la société Hewlett-Packard.

Malgré ces interventions successives, la société cliente soutenait que le matériel acquis était toujours inutilisable, a adressé un premier courrier à son prestataire pour solliciter la résolution du contrat de vente sur le fondement des vices cachés et a demandé le remboursement du prix en contrepartie de la restitution du matériel.

En réponse, le prestataire a contesté l’existence d’un vice caché ou d’un défaut de conformité, le matériel ayant fonctionné durant quatre mois sans problème et a émis l’hypothèse que sa cliente avait procédé à « des altérations de l’ensemble livré ».

Qu’ont retenu les magistrats ?

L’arrêt rappelle le principe qu’aux termes des articles 1641 et suivants du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie :

  • a raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou,
  • qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou,
  • n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus.

Ensuite, que le vendeur est tenu des vices cachés, même s’il ne connaissait pas, à moins que, dans ce cas, une clause au contrat stipule qu’il n’est obligé à aucune garantie.

Enfin que si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur.

En première instance, tout comme en appel, les juges ont retenu que le prestataire :

  • avait procédé à la livraison et à l’installation du système sans vérifier que celui-ci comportait la dernière mise à jour, éditée le jour même de la livraison.
  • n’avait pas informé par la suite son client des risques liés à l’absence d’installation de la mise à jour pourtant visé dans la note du fournisseur.

Le Cour confirme ainsi que le système était bien affecté d’un vice lorsqu’il a été livré au client. Elle indique que « ce vice était présumé connu du revendeur professionnel de la marque HPE mais pas de sa cliente, même spécialisée dans l’informatique à qui la note signalant ce vice n’avait pas été communiquée par le revendeur ».

Ce qu’il faut retenir :

Ce qu’il faut retenir dans cette affaire, c’est qu’il est question avant tout d’information détenue par le revendeur, ou du moins présumée connue par ce dernier, et dont le client a été privé.

On comprend aisément que la mise à disposition de la nouvelle version du logiciel le jour de la livraison du matériel au client aurait pu être difficile pour le prestataire. Cependant, ce qui est en l’espèce reproché au prestataire c’est l’absence de communication ultérieure par ce dernier, qualifiant ainsi le dysfonctionnement constaté de vice caché.

Véritable passerelle entre le fournisseur et les clients finaux, le revendeur de logiciel, ou de matériel informatique se doit donc de :

  • suivre méticuleusement toute nouvelle version des logiciels distribués ainsi que les différentes notices informatives associées … Pas toujours facile…
  • d’informer le client des nouvelles versions … souvent les clients demandent d’ailleurs les road map des éditeurs pour limiter les risques dans les mises à jour,
  • de disposer d’une organisation, d’une gouvernance pour le traitement des nouvelles versions des éditeurs/constructeurs
  • disposer de contrats adaptés à son activité et son écosystème

Claudia Weber, avocat fondateur et Céline Dogan, avocat responsable de l’activité e-santé et du pôle PME / TPE| ITLAW Avocats

Besoin d’aide dans l’encadrement des risques liés à votre activité ?

ITLAW Avocats met à votre service son expérience et son expertise en la matière.

ITLAW Avocat mobilise ses talents et son expertise en matière de protection des données personnelles, de contrats, d’innovation, de projets informatiques complexes et de propriété intellectuelle   ainsi que sa connaissance de l’écosystème IT  pour vous accompagner dans la sécurisation de vos projets et votre compliance.

 

[1] Gestion de versions

 

 

 

 

 

Nous contacter