Usage sérieux d’une marque : qu’est-ce qui compte ?
30 septembre 2013.
Par une décision du 19 mars dernier, la Cour de cassation[1] a apporté quelques précisions sur la notion « d’usage sérieux d’une marque », propre à empêcher celle-ci de tomber en déchéance, en jugeant que les actes préparatoires à l’usage d’une marque et les actes postérieurs à la demande de déchéance de celle-ci ne suffisent pas à établir le caractère sérieux de l’usage et empêcher la déchéance de la marque.
Pour rappel, l’article L 714-5 du Code de la propriété intellectuelle dispose :« Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans ».
En l’espèce, la société Hermès Parfum, titulaire de la marque française « Voyage » enregistrée le 30 juillet 1991 et renouvelée en 2001, désignant en classe 3 des produits de parfumerie et de cosmétique, a assigné une société concurrente en déchéance de ses droits sur la marque « Voyager » enregistrée le 10 janvier 1991 et renouvelée en 2001 pour désigner des produits similaires.
L’objectif étant d’écarter cette marque concurrente antérieure, similaire et donc gênante pour la société Hermès Parfum.
Dans un arrêt du 14 décembre 2011, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence donne raison à la société demanderesse en prononçant la déchéance des droits de la société concurrente sur sa marque « Voyager », au motif de son inexploitation pendant une période ininterrompue de cinq années.
Ladite société s’est alors pourvue en cassation, arguant du fait qu’un usage sérieux de sa marque était pourtant caractérisé notamment par :
– des actes de diffusion et de présentation de ses produits marqués au sein de la société et auprès de prestataires de service et de sous-traitants ;
– des actes préparatoires au lancement de sa gamme de produits « Voyager », antérieurs à la date de demande en déchéance (15 juillet 2008) ;
– la diffusion et la promotion des produits marqués à partir de son réseau de distributeurs privilégiés dès septembre 2008.
La Cour de cassation n’a pas retenu ces arguments et a rejeté le pourvoi au motif :
– que « tous les actes d’usage de la marque « Voyager » étaient postérieurs à la demande de déchéance et que les actes antérieurs à celle-ci ne constituaient que des actes préparatoires à cet usage effectués au sein de la société concurrente ou auprès de prestataires de services ou de sous-traitants », et qu’ils étaient donc insusceptibles de caractériser un usage sérieux de la marque « Voyager » au sens de l’article L. 714-5 du CPI.
Par conséquent, les actes d’usage postérieurs à la demande en déchéance ne peuvent être pris en compte pour y faire obstacle, pas plus que les actes antérieurs à celle-ci pouvant être qualifiés d’ « actes préparatoires » à l’usage d’une marque.
En conclusion nous vous recommandons :
– de ne déposer une marque que si vous avez effectivement l’intention de l’exploiter pour les produits et services qu’elle désigne ;
– d’être vigilant quant à l’exploitation continue de votre marque ;
– de conserver des preuves d’usage de votre marque pouvant témoigner avec certitude d’un usage effectif et sérieux (pas seulement « en interne »).
Claudia Weber, Avocat associé
Viola Morel, Avocat collaborateur
ITLAW Avocats
www.itlaw.fr
[1] Cass. Com., 19 mars 2013, Pourvoi n°12-14626