Par une décision du 23 avril 2018, la Cour d’appel de Californie a jugé qu’un singe ayant déclenché un appareil photo ne pouvait pas avoir la qualité d’auteur du cliché et ne pouvait pas en conséquence se voir attribuer des droits d’exploitation.

 

En 2011, le photographe animalier David Slater en mission en Indonésie se faisait voler son appareil photo par un singe, appelé Naruto, qui retournant l’appareil vers lui se prend en photo, réalisant ainsi une sorte de selfie. En 2014 le photographe publie la photographie sous son nom dans un ouvrage.

L’association PETA engage alors une action pour faire reconnaitre la qualité d’auteur du singe.

L’association n’obtient pas gain de cause. Pour la cour d’appel de Californie Naruto n’a pas de personnalité juridique et n’a donc pas la capacité pour agir en justice et réclamer l’application des dispositions relatives au droit d’auteur.

Au-delà de la question de la personnalité juridique de l’animal, le cas du selfie de Naruto amène à s’interroger sur la création d’une œuvre créée sans l’intervention de l’homme.

En droit d’auteur pour être protégée une œuvre doit être originale, c’est-à-dire refléter la personnalité de son auteur. Dès lors, seules des œuvres originales créées par un être humain peuvent prétendre à une protection par le droit d’auteur. Peu importe les moyens mis en œuvre pour la création, par exemple un logiciel d’assistance à la création musicale, dès lors que la personnalité de l’auteur peut se déceler dans l’œuvre.

Avec le développement de l’intelligence artificielle, la machine n’est plus un simple outil de la création, mais sa source elle-même : l’œuvre peut alors être créée de manière autonome par la machine, sans l’intervention de l’homme.

La question est alors de savoir si une œuvre créée de cette manière peut être protégeable.

Si l’on s’en tient à la conception traditionnelle du droit d’auteur, cette œuvre sans auteur personne physique ne pourrait pas bénéficier de la protection du droit d’auteur, faute de personnalité à refléter. Le bénéfice de la protection serait donc écarté.

Une autre voie consisterait à adapter la notion d’originalité de manière à pouvoir l’appliquer à ces œuvres autonomes. Même si cette notion est assez souple et permet la protection d’œuvres très diverses ayant des niveaux de créativité très variables, admettre qu’elle peut s’appliquer à de telles œuvres constituerait une remise en cause radicale du droit d’auteur tel que nous le connaissons, affectant sa nature même. Les conséquences qui en découleraient confineraient à l’absurde : titulaire à titre originaire des droits d’exploitation et des droits moraux, on voit difficilement comment la machine les exploiterait et les défendrait. Sauf à jouer d’une fiction qui consisterait à attribuer ces droits au propriétaire de la machine ou…à son créateur.

Une autre voie pourrait être de créer un droit spécifique, comme cela a été fait avec le droit des producteurs de bases de données (article L241-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle).

Cette dernière solution semble la plus raisonnable. Si elle devait être suivie, à n’en pas douter, la détermination du titulaire à titre initial des droits fera l‘objet d’une bataille âpre.

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