Les grandes entreprises ont une tendance à se montrer très intransigeantes à l’égard de toute atteinte à leur marque, car elles savent bien que la moindre tolérance peut être dangereuse pour leur image.

 

En témoigne une récente affaire dans laquelle le géant des réseaux sociaux « Facebook » a fait annuler une demande d’enregistrement de marque « Fuckbook » et transférer l’ensemble des noms de domaine associés, allant jusqu’à faire concrètement cesser l’activité d’une petite entreprise française.

 

Les dirigeants de cette SARL avaient en effet déposé divers noms de domaines depuis l’année 2006, dans diverses extensions, tels que fuckbook.net ; fuckbook.fr ; fucksnooks.com etc., et ce, afin d’exploiter un site internet se présentant comme dédié à la rencontre adulte « sexy » et « coquine », visant « les femmes et les hommes célibataires sexy qui souhaitent faire des rencontres adultes sur Internet ». Puis, le 16 mars 2009, les mêmes dirigeants déposent pour le compte de la société alors en formation une demande d’enregistrement d’une marque française semi-figurative, « Fuckbook ».

 

Facebook assigne alors en juillet 2010 les intéressés en contrefaçon de ses marques, invoquant notamment l’application combinée des articles L717-1 du Code de la Propriété Intellectuelle et 9(1) c) du Règlement communautaire CE 207/2009, et demande notamment l’interdiction, en raison de la renommée de ses signes distinctifs, d’utiliser les noms de domaine litigieux, le nom commercial de l’entreprise, ainsi que la réparation du préjudice subi.

 

La décision qui en résulte, en date du 13 juin 2013, vient balayer les arguments des défendeurs, et est une occasion utile de faire le point sur les critères de l’appréciation d’une marque dite de « renommée » et les circonstances impliquant que cette marque est ou non contrefaite.

 

 

1)      Définition et appréciation de la marque de renommée :

 

La marque de renommée s’entend comme le rappelle le TGI, comme « une marque enregistrée connue par une partie significative du public concerné pour tout ou partie des produits et services pour lesquels elle est exploitée ».  Le public reconnaît ainsi aux produits visés dans le dépôt une image et une qualité distinctes.

 

La renommée de la marque Facebook est en l’espèce justifiée selon le tribunal notamment par :

 

–          l’importance de la société dans la presse, au regard par exemple des articles divers dans des journaux à parution nationale et à large diffusion versés aux débats par Facebook, mais aussi des études statistiques, sondages attestant de :

  • la valeur croissante de la marque,
  • sa valeur économique et
  • le succès grandissant et fulgurant en France à compter de l’année 2007 ;

 

–          la référence régulière et constante dans la presse économique comme généraliste commentant le succès du réseau social Facebook depuis 2007 notamment en France

 

Dès lors, selon, les juges du fond, la population assimile bien le nom Facebook au réseau social et non pas seulement à la traduction anglaise de trombinoscope. 

 

 

2)      Atteinte à la marque de renommée :

 

Si la marque répond aux critères rappelés ci-avant, il apparait alors que la contrefaçon peut exister par la seule imitation d’un signe.  La Cour de Justice a considéré à cet égard que les marques de renommée bénéficient « d’une protection dont la mise en œuvre n’exige pas l’existence d’un risque de confusion[1]

 

Enfin, le principe de spécialité n’est plus pris en compte, et une marque de renommée peut venir empêcher l’exploitation d’une marque pour des produits et services différents.

 

En l’espèce, le débat soulevé sur les différences d’activité entre Facebook et le site internet litigieux et donc écarté, et la similitude est caractérisée, le tribunal retenant en particulier :

 

–          l’existence de différences infimes entre les deux mots ;

 

–          le lien fort, tant visuellement que phonétiquement, pouvant être observé entre les deux termes : même nombre de lettres, même sonorité, lettre d’attaque « » et même terme de fin « book » ;

 

–          l’association dans l’esprit du public pouvant être opérée entre les deux termes associés au mot « book » et même si pas le même sens – le côté « internet » des deux marques renforçant cette association de l’esprit.

 

 

Constatant ce qui précède, le TGI admet le préjudice invoqué par Facebook provoqué par une dilution du caractère distinctif et un ternissement de sa marque, en étant associée à l’activité du site de rencontre à caractère libertin.  La SARL est alors condamnée à la somme de 15 000 euros en réparation, ainsi qu’à l’annulation de la marque déposé et au transfert de l’ensemble de ses noms de domaine, et ce, sous astreinte de 1000 euros par jour de retard.

 

 

Nous vous recommandons en tout état de cause de :

 

–          faire des recherches d’antériorités complètes, en faisant appel en amont à vos juristes et aux bases de données des offices nationaux ;

 

–          éviter toute référence, dans vos choix de marques, à un terme bien connu du public ;

 

–          faire preuve d’inventivité et créativité pour vos signes distinctifs : et ne jamais tenter une association même lointaine avec un signe déposé ou un droit antérieur ;

 

–          garder à l’esprit que les « différences infimes » ne suffisent pas à écarter le risque.

 

Claudia WEBER, Avocat Associée

Camille LECHARNY, Avocat

ITLAW Avocats

www.itlaw.fr



[1] CJCE, 22 juin 2000, aff. C-425/98, Marca Mode

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