Un récent litige porté devant la Cour de cassation[1] nous illustre les conséquences découlant des manquements d’un prestataire informatique au contrat conclu avec son client.

Un prestataire informatique, concepteur et éditeur d’un logiciel destiné à la restauration collective, avait conclu un contrat visant à déployer le logiciel sur les différents sites gérés par l’entreprise cliente.

Insatisfait du résultat, le client avait mis en œuvre la clause résolutoire figurant au contrat.

Moyen ou résultat : à quel type d’obligation le prestataire était-il tenu ?

La première question que la Cour de cassation doit trancher dans ce litige est de déterminer quelle est la nature de l’obligation du prestataire.

Le prestataire en cause invoquait qu’une obligation ne pouvait être que de moyen, quand elle est entachée d’un aléa, peu important les mentions du contrat constatant l’obligation. En effet, le postulat du prestataire était que les obligations de ce dernier étant intimement liées au respect par le client de son obligation de coopérer dans les termes contractuels, un « aléa irréductible » aurait peser sur le respect par le prestataire de ses obligations découlant du contrat.

Le Cour a constaté que selon le préambule du contrat conclu entre les sociétés, le prestataire « s’engage[ait], dans le cadre d’une maîtrise d’œuvre et d’une obligation de résultat de réaliser les prestations notamment de maintenance du progiciel et de développement d’un nouveau portail ».

C’est ainsi que la Cour de cassation confirme l’arrêt de la Cour d’appel en ce qu’il a pu déduire que la société prestataire était tenue d’une obligation de résultat à l’égard de la société cliente.

En matière de contrats informatiques, surtout s’ils sont complexes, les tribunaux mettent à la charge du client une obligation de collaborer avec celui qui fournit les prestations.

Un manquement du client à cette obligation peut justifier un partage de responsabilité.

C’est alors que la question de la qualification de l’obligation à son importance pour renverser l’éventuelle présomption de responsabilité qui pèse sur le prestataire en présence d’une obligation de résultat en apportant la preuve que l’inexécution de son obligation résulte d’une cause étrangère qui ne peut pas lui être imputée.

La clause résolutoire était-elle valablement acquise ?

Pour tenter de répondre par la négative à la seconde question posée à la Cour de cassation, le prestataire invoquait le non-respect par la société cliente de ses engagements contractuels en matière de recette.

Selon le prestataire, les livrables qu’il avait pu fournir auraient été rejeté sans mise en œuvre de la part du client de la phase de test prévue au contrat. Ce faisant, une clause résolutoire ne pouvait être acquise en raison des manquements d’un cocontractant, dès lors que l’autre partie n’a pas elle-même respecté ses obligations contractuelles, ce qui aurait contribué à l’échec de l’opération.

Toutefois, l’arrêt constate comme les juges du fond la récurrence des difficultés dans l’exécution du contrat compte tenu :

  • des dysfonctionnements relevés dès le commencement des relations contractuelles, notamment dans des courriels faisant état d’anomalies bloquantes non résolues et des difficultés quant à la qualité des « livrables »,
  • des diverses réclamations adressées par le client retranscrit dans les compte-rendu des réunions hebdomadaires ultérieures.

Cet arrêt illustre bien l’importance de la documentation visant à retracer l’insatisfaction du client dans le cadre des litiges informatiques et des modalités de communication de celle-ci qui sont habituellement gérées par les clauses dites de « gouvernance ».     

Quelle réparation pour le client lésé ?

Un seul point de l’arrêt rendu par la Cour d’appel encourt la cassation et il s’agit des dispositions relatives à la réparation du dommage subi.

La Cour de cassation rappelle que la réparation du dommage subi par le client du fait de l’échec de son projet informatique doit être intégrale, mais qu’elle ne peut excéder le montant du préjudice.

En effet, l’arrêt de la Cour d’appel est censuré en ce qui avait condamné le prestataire informatique à indemniser le client de ses gains manqués alors que, en conséquence de la résolution du contrat, elle avait déjà condamné le prestataire à rembourser au client le prix des factures acquittées en exécution du contrat et l’avait donc dispensé du paiement de la prestation due.

Par conséquent, le manque à gagner résultant de la bonne exécution du contrat ne peut se cumuler avec la sanction de la résolution du contrat aboutissant au remboursement des factures payées.

Une vigilance toute particulière doit donc être opérée par les praticiens lors du calcul des dommages et intérêts demandés dans le cadre de tout litige informatique.

 

Claudia Weber, avocat fondateur et Céline Dogan, avocat collaboratrice | ITLAW Avocats

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[1] Cass. com. 1-6-2022 n° 20-19.476

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