(Lire l’arrêt)

 

Dans un arrêt du 12 avril 2018, la Cour de cassation a confirmé l’annulation d’une mesure d’expertise pour avis du CHSCT du Crédit Mutuel concernant l’introduction d’une IA dans l’entreprise permettant une meilleure gestion et répartition des courriels.

Le Crédit mutuel a souhaité introduire, en 2016, une application spécifique du programme informatique d’intelligence artificielle « Watson » de technologie cognitive.

Ce projet avait pour objectif d’optimiser le travail des chargés de clientèle et chargés d’affaires. Le programme informatique Watson permettait, en effet, d’aider les salariés à traiter la masse importante de courriels reçus en :

– réorientant les courriels à partir des mots clés vers des guichets spécifiques définis,

– les traitant par ordre de priorité en raison de l’urgence,

– proposant par une déclinaison de situations d’adapter et fournir une réponse appropriée à la question posée,

Pour rappel, le CHSCT doit obligatoirement être consulté avant toute décision « d’aménagement important modifiant […] les conditions de travail » des salariés d’une entreprise, par exemple en cas de modification de l’outillage, de changement de produit ou d’organisation du travail, ou de modification des cadences et normes de productivité des salariés[1].

Dans le cadre de sa consultation, le CHSCT peut solliciter l’avis d’un expert dans des conditions particulières, notamment en présence d’un risque grave présenté par un projet d’ampleur modifiant les conditions de travail[2].

En l’espèce, le CHSCT du Crédit mutuel, consulté dans le cadre de l’introduction du programme Watson précité, a souhaité demander l’avis d’un expert technique sur les conséquences de l’introduction de cette nouvelle technologie pour les salariés.

Selon le CHSCT, « le projet de technologie cognitive constitué par le logiciel Watson mis en place pour optimiser le travail des chargés de clientèles portait en lui-même la potentialité d’un redécoupage des missions des salariés au sein d’une agence et donc une modification notable des conditions de travail ».

La Cour de Cassation dans son arrêt du 12 avril 2018, a confirmé la décision du Tribunal de Grande Instance de Lyon qui avait prononcé l’annulation de la mesure d’expertise demandée par le CHSCT.

La Cour de Cassation a particulièrement motivé sa décision en les termes suivants :

– « l’introduction du programme informatique Watson va aider les chargés de clientèle à traiter les abondants courriels qu’ils reçoivent soit en les réorientant à partir des mots clés qu’ils contiennent vers le guichet où ils pourront être directement traités en raison des compétences préalablement définies par le chef d’agence au vu de la demande, soit en les traitant par ordre de priorité en raison de l’urgence qu’ils présentent et qui leur sera signalée, soit encore à y répondre d’une manière appropriée en proposant une déclinaison de situations permettant d’adapter sans oublis la réponse à la question posée,

qu’elle se traduit donc directement en termes de conséquences mineures dans les conditions de travail directes des salariés dont les tâches vont se trouver facilitées »,

et en déduit que « l’existence d’un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail des salariés n’était pas démontrée ».

Vous qui prévoyez d’introduire une IA dans vos services, avez-vous pensé aux enjeux sur les conditions de travail de vos salariés et la procédure de mise en place d’une telle technologie ?  

 

Par Claudia WEBER – ITLAW Avocats

[1] Article L. 4612-8 du Code du travail.

[2] Article L. 4614-12 du Code du travail.

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