La Directive (UE) 2015/2436 du 16 décembre 2015, venue modifier la Directive 2008/95/CE visant à rapprocher les législations des Etats membres en matière de marque vient modifier le droit français des marques en l’alignant sur le nouveau droit de la marque européenne. Elle devait être transposée avant le 14 janvier 2019 et ne le sera pas avant quelques mois. Quelles sont les conséquences de ce défaut de transposition ?

 

 

Dans le cadre de la réforme dite du « Paquet Marques », la Directive (UE) 2015/2436 du 16 décembre 2015 introduit d’importantes modifications au régime du droit des marques nationales afin d’harmoniser et de moderniser le droit des marques au sein de l’Union européenne.

 

Cette directive devait être transposée en droit interne au plus tard le 14 janvier 2019.

 

Elle porte notamment sur les points suivants :

  • l’exigence de représentation graphique est supprimé : l’enregistrement d’un signe est ouvert dès lors que celui-ci peut être représenté “sous n’importe quelle forme appropriée au moyen de la technologie communément disponible, et donc pas nécessairement par des moyens graphiques, du moment que cette représentation offre des garanties satisfaisantes à cette fin“, et que la représentation est “claire, précise, distincte, facilement accessible, intelligible, durable et objective”,

  • les actions en déchéance et en nullité sont désormais de la compétence des offices nationaux et non plus des juridictions (pour cette mesure le délai d’application est étendu jusqu’au 14 janvier 2023),

  • la réalisation de saisies douanières est étendue aux marchandises contrefaisantes en transit dans l’Union européenne mais non destinées à y être vendues.

L’article 69 du projet de loi PACTE, adopté le 12 février dernier en première lecture par le Sénat, confère au Gouvernement le pouvoir de prendre, par ordonnance, des mesures nécessaires à la transposition de ladite directive, dans un délai de six mois à compter de la publication de la loi.

 

La transposition de la directive en droit français requiert encore l’adoption de trois textes : une ordonnance modifiant la partie législative du Code de la propriété intellectuelle, une loi de ratification de l’ordonnance et un décret d’application modifiant la partie réglementaire du code.

 

Que se passe-t-il lorsqu’une directive n’est pas transposée dans le délai qu’elle fixe, comme c’est le cas de la présente directive ?

 

Application immédiate des dispositions précises de la directives et mise en jeu de la responsabilité de l’Etat

 

En droit européen, une directive est un instrument juridique qui définit un ensemble d’objectifs à atteindre en laissant aux Etats membres le choix des moyens et de la forme pour les atteindre, dans un délai fixe. En principe une directive n’est pas directement applicable dans chacun des Etats membres. Seules le sont les dispositions de transposition dans le droit national, prises conformément à ce droit.

 

A défaut de transposition dans le délai imparti, une directive n’est en principe pas applicable dans les rapports internes à un pays membre après l’expiration du délai de transposition, sauf pour celles de ses dispositions qui sont claires, précises et inconditionnelles, qui sont dotées d’un effet direct (Cour de justice de la Communauté européenne, 4 déc. 1974, Van Duyn).

 

En application de ce principe, les dispositions de la Directive 2015/2436 ne pourront pas être invoquées dans un litige entre particuliers (entendus comme des personnes physiques ou morales), ni servir de fondement à un acte administratif défavorable à un particulier.

 

Cependant, entre la date fixée pour sa transposition et jusqu’à la date de sa transposition, un particulier pourra :

  • demander réparation à l’Etat si le défaut de transposition de la directive lui porte préjudice ;
  • se prévaloir des dispositions précises et inconditionnelles de la directive à l’appui d’un recours dirigé contre un acte administratif qui lui fait grief.

A titre d’exemple, la Directive 2015/2436 supprime l’exigence de représentation graphique des marques et rend éventuellement possible l’enregistrement de nouvelles catégories de marques (olfactives, gustatives, etc.), jusqu’alors écartées. En vertu du principe d’effet direct, le refus d’enregistrement d’une marque de ce type pour défaut de représentation graphique pourrait être contesté sur le fondement de la directive non transposée.

 

Jusqu’à sa transposition, la Directive 2015/2436 ne sera donc pas totalement dénuée d’effet. Certaines de ses dispositions pourront permettre d’engager la responsabilité de l’Etat ou de contester certaines décisions que prendra l’INPI relatives à des demandes d’enregistrement de marques effectuées entre le 14 janvier 2019 et l’entrée en vigueur des dispositions de transposition de la directive.

 

Jean-Christophe Ienné, avocat, directeur des pôles Propriété intellectuelle & industrielle, Médias & Audiovisuel et Internet et Lamia El Fath, avocat

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