Une société autrichienne avait enregistré sur un CD des chansons d’un auteur compositeur français, sans son autorisation. Par la suite, le CD a été commercialisé sur internet par des sociétés britanniques.

 

L’offre en ligne du CD étant ainsi accessible en tout endroit, et notamment à son domicile toulousain, l’auteur assigne alors la société autrichienne en contrefaçon devant le tribunal de grande instance (TGI) de sa ville.

 

La cour d’appel de Toulouse, dans un arrêt en date du 21 janvier 2009, déclare pourtant ce TGI incompétent. Selon elle : « il était essentiel de déterminer », […] « si les objets litigieux étaient diffusés sur un site Internet accessible en France et avaient pu être vendus dans ce pays, de sorte que le dommage était susceptible de s’y réaliser, voire s’y était d’ores et déjà réalisé. »

 

La cour de cassation, saisie du litige, rappelle, dans un arrêt du 5 avril 2012, qu’une personne domiciliée sur le territoire d’un Etat membre peut être attraite, dans un autre Etat membre, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire (Art. 5, 3°, du règlement n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 (Bruxelles I)).

 

  1. Appréciation du fait dommageable dans la jurisprudence européenne :

Sujet à interprétation, le critère a déjà fait l’objet de plusieurs arrêts rendus par la CJUE :

  • En cas de diffamation commis au moyen d’un article de presse: l’action judiciaire peut avoir lieu, soit devant le tribunal du lieu d’établissement de l’éditeur, compétent pour réparer l’intégralité des dommages, soit devant les juridictions de chaque état membre dans lequel la publication a été diffusée. La compétence est alors restreinte aux seuls dommages causés dans l’état du tribunal saisi (CJCE Fiona Shevill c/ Press Alliance SA, 7 mars 1995, C-68/93.)

 

  • En cas d’atteinte aux droits de la personnalité au moyens de contenus mis en ligne sur internet : l’action judiciaire a lieu soit devant la juridiction du lieu d’établissement de l’émetteur, ou du lieu où se trouve le centre de ses intérêts, soit devant les juridictions de chaque état membre sur le territoire duquel le contenu est accessible (CJCE eDate Advertising et Martinez, 25 octobre 2011, C 509/09 et C-161/10).

Ces hypothèses diffèrent cependant du cas d’espèce, dans lequel il s’agissait de l’offre en ligne du support matériel reproduisant une œuvre de manière illicite.

La cour de cassation rappelle à cette occasion que pour la CJUE,  en matière de marques, la simple accessibilité d’un site internet est insuffisante, et qu’il convient au cas par cas, d’analyser les indices pertinents permettant de conclure que l’offre sur internet sur un territoire est bien destinée à des consommateurs situés sur celui-ci (L’Oréal SA e.a.c / Ebay International e.a, 12 juillet 2011, C-324/09).

 

  1. Les questions préjudicielles:

 

La cour de cassation fait donc appel à la CJUE et lui pose les questions suivantes :

 

  1. En cas d’atteinte aux droits d’auteur commise au moyen de contenus mis en ligne sur un site Internet :
  • L’auteur a-t-il la faculté « d’introduire une action en responsabilité devant les juridictions de chaque Etat membre sur le territoire duquel un contenu mis en ligne est accessible ou l’a été » afin d’obtenir réparation « du seul dommage causé sur le territoire de l’Etat membre de la juridiction saisie ? »
  • Ou faut-il en outre « que ces contenus soient ou aient été destinés au public situé sur le territoire de cet Etat membre? »

 

  1. La question posée au 1) doit-elle recevoir la même réponse lorsque l’atteinte alléguée aux droits d’auteur résulte non pas de la mise en ligne d’un contenu dématérialisé, mais, comme en l’espèce, de l’offre en ligne d’un support matériel reproduisant ce contenu ?

 

En attendant la décision de la CJUE, nous recommandons tant au demandeur qu’au défendeur d’une action en contrefaçon, de vérifier que l’offre en ligne du contenu, ou du support matériel, est bien destinée au public résidant dans le pays de la juridiction saisie. L’accessibilité en tous lieux inhérente au web ne semble pas en effet suffisante.

 

Et un choix malheureux en la matière peut remettre en cause la validité d’une assignation en contrefaçon.  Affaire à suivre !

 

Claudia WEBER, Avocat Associée et Camille LECHARNY, Avocat

Cabinet ITLAWAvocats  www.itlaw.fr

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