Lorsqu’un tiers à un contrat subi un préjudice à cause de ce contrat, peut il obtenir réparation de son préjudice ?

C’est la question sur laquelle s’est penchée la Cour de cassation le 15 février 2024.

Que s’est-il passé ?

Des particuliers ont fait réaliser des travaux de charpente de leur maison à un auto-entrepreneur. La toiture et une partie de cette charpente ont été arrachées lors d’une tempête, les particuliers ont fait appel à leur assureur, qui confère alors une mission d’expertise à un cabinet d’expertise.

La maison s’étant détériorée depuis, les particuliers ont assigné l’assureur, le cabinet d’expertise et l’auto-entrepreneur en réparation de leur préjudice matériel (l’aggravation du sinistre, l’actualisation des préjudices de logement et de garde-meubles, l’arrachement de la toiture), ainsi que de leur préjudice moral.

 

Quelle est la décision retenue par l’arrêt ?

 

La décision.

La Cour de cassation considère que seul le préjudice matériel résultant de l’arrachement de la toiture est susceptible de faire l’objet d’une indemnisation de la part de l’assureur et de l’auto-entrepreneur.

Le raisonnement.

La situation concerne le contrat entre l’assureur et le cabinet d’expertise, dans lequel les particuliers sont tiers au contrat. Afin de caractériser le préjudice moral et matériel, les particuliers soutiennent une faute de l’expert. Or, cet expert n’a pas commis de faute en refusant de valider le devis des travaux de reprise de la charpente car cette autorisation ne faisait pas partie du contrat, d’où l’absence de préjudice réparable. Finalement, la Cour condamne simplement l’assureur et l’auto-entrepreneur à verser des dommages-intérêts en réparation du préjudice dû à l’arrachement de la toiture.

Cet arrêt du 15 février 2024 nous rappelle l’importance pour le tiers de démontrer un tel manquement contractuel afin de pouvoir obtenir une réparation d’un préjudice sur le fondement de la responsabilité délictuelle.

 

Ce qu’il faut retenir

Cet arrêt s’inscrit dans le cadre d’une jurisprudence constante depuis 20061, qui consacre le fait que le tiers à un contrat peut invoquer un manquement contractuel, sur le fondement de la responsabilité délictuelle2, si ce manquement contractuel lui cause un dommage.

Encore faut-il pouvoir caractériser :

– la qualité de tiers au contrat,

– la faute, donc le manquement au contrat,

– le dommage,

– et le lien de causalité entre le manquement et ce dommage.

Ce raisonnement peut notamment trouver à s’appliquer dans vos contrats IT, ceux de votre prestataire ou ceux de vos clients.

Dans le cadre d’une chaîne de contrat, il est possible de demander la réparation d’un préjudice causé par la faute contractuelle d’un premier contrat3. Par exemple, le client qui fait appel à un prestataire A ayant un contrat avec un second prestataire B, pourra reprocher à B le fait d’avoir commis une faute dans son contrat avec A, sous condition de prouver que cette faute contractuelle lui cause un dommage.

 

Claudia Weber, Avocat fondateur du Cabinet ITLAW Avocats et Tasha Bhojwani, Juriste stagiaire  ITLAW Avocats

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1 Voir Cass., 6 oct. 2006, dit Boot’Shop, n° 05-13.255, Bull. 2006, Ass. plén, n° 9, p. 23
2 Article 1240 du Code civil
3 Seulement si le contrat est non translatif de propriété
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