Les professionnels qui ont recours à des services du type Google My Business pour leur promotion doivent tenir compte de l’exigence de transparence quant aux commentaires des internautes.

C’est ce que juge la cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 22 mars 2019 (Cour d’appel de Paris, pôle 1 – ch. 8, arrêt du 22 mars 2019, M. X. / Google LLC) : les commentaires négatifs mis en ligne par les internautes sur la fiche Google d’un professionnel « […] participent de l’enrichissement de la fiche professionnelle de l’intéressé et du débat qui peut s’instaurer entre les internautes et lui […] ». 

 

Un chirurgien esthétique, client du service Google My Business estimait que plusieurs commentaires publiés sous pseudonymes par des internautes dans sa fiche publique étaient « diffamatoires ou faux » et entendait les faire supprimer. 

 

Rappelons que le service Google My Business permet à un professionnel de définir le profil qui sera affiché en réponse aux requêtes des internautes faites sur ses coordonnées avec le moteur de recherche Google ou le service Google Maps. Ce service permet aux internautes de laisser des commentaires et avis sur le professionnel, qui ne sont pas nécessairement positifs.

 

Après avoir obtenu d’un juge au terme d’une procédure sur requête les données d’identification des auteurs des avis, le chirurgien a obtenu de certains d’entre eux la suppression de leurs commentaires. Deux avis demeurant inchangés auxquels s’était depuis lors ajouté un troisième, le chirurgien a assigné Google devant le juge des référés pour que ces trois commentaires soient supprimés, sur le fondement de l’article 6-I-8 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN).

 

Cette loi précise le régime de la responsabilité des hébergeurs au titre des contenus illicites stockés pour le compte des utilisateurs de leurs services sur Internet. Son article 6-I-8 prévoit la possibilité de solliciter du juge, en référé ou sur requête, « toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne ».

 

La règle du jeu posée par la cour

 

En première instance, le juge des référés a rejeté les demandes du chirurgien, au motif que « le caractère manifestement illicite des propos n’est pas démontré par le demandeur dans la mesure où les textes litigieux ne sont pas manifestement diffamatoires », que le caractère mensonger des avis n’est pas plus établi, et que ces avis n’excèdent pas « les limites admissibles de la liberté d’expression ».

 

La cour d’appel a confirmé l’ordonnance du premier juge.

 

La cour a d’abord examiné les propos litigieux au regard de la loi de 1881 sur la liberté de la presse (diffamation), puis au regard du droit commun de la responsabilité (dénigrement), pour conclure que ces propos n’étaient ni manifestement diffamatoires ni manifestement dénigrants et qu’ils relevaient « plutôt de la libre critique et de l’expression subjective d’une opinion ou d’un ressenti de patients déçus pour les deux premiers et d’un commentaire extérieur pour le troisième. »

 

La cour ajoute que ces propos « participent de l’enrichissement de la fiche professionnelle de l’intéressé et du débat qui peut s’instaurer entre les internautes et lui, notamment au moyen de réponses que le professionnel est en droit d’apporter à la suite des publications qu’il conteste. »

 

Cette affaire illustre les limites des actions en référé engagées par un professionnel pour demander la suppression de contenus défavorables publiés sur Internet dans le cadre de services de référencement, tels que le service Google My Business.

 

Trois enseignements peuvent en être tirés :

  • un rappel : le juge des référés est le juge de l’évidence ; le succès d’une action en référé est donc subordonné à la démonstration du caractère manifeste des faits objet de l’action ; à défaut, seule une action au fond peut aboutir ;

  • un avertissement : le professionnel qui a recours à une présentation de son activité sur un service « participatif » proposant aux internautes de donner leur avis sur ses prestations doit accepter la diversité des opinions, favorables ou défavorables, dans la limite de l’abus ;

  • une précision : lorsqu’une action fondée sur l’article 6-I-8 de la LCEN concerne l’exercice de la liberté d’expression, la décision de la Cour d’appel semble tendre à permettre l’appréciation des propos litigieux à la fois au regard de la loi du 29 juillet 1881, qui définit de manière limitative les infractions de presse, et au regard de la responsabilité civile, alors que seule une appréciation au regard de la loi de 1881 est possible habituellement.

 

L’incidence de l’article L.111-7-2 du Code de la consommation sur les avis en ligne

Le parcours procédural emprunté par le chirurgien dans le cas d’espèce pourrait aujourd’hui être simplifié. Depuis les faits de l’espèce, le droit applicable a en effet évolué et des obligations nouvelles ont été mises à la charge des plateformes qui collectent, modèrent ou diffusent des avis en ligne provenant de consommateurs.

 

L’article L.111-7-2 du Code de la consommation fait obligation à ces plateformes de délivrer à l’intention de leurs utilisateurs une « information loyale, claire et transparente sur les modalités de publication et de traitement des avis en ligne ». Quant aux professionnels exposés aux avis des internautes, le texte prévoit que les plateformes doivent mettre à leur disposition une fonctionnalité leur permettant de signaler un doute sur l’authenticité d’un avis, ce qui est de nature à simplifier les démarches du professionnel confronté à des commentaires douteux.

 

Jean-Christophe Ienné, avocat, directeur des pôles Propriété intellectuelle & industrielle, Médias & Audiovisuel et Internet et Mathieu Vincens, juriste

Nous contacter