faire stocker leurs produits au sein de ses entrepôts. L’expédition des produits aux acheteurs est assurée ensuite par des prestataires externes. Le contrat de vente reste conclu entre le vendeur et son acheteur.

La Cour fédérale de justice allemande a saisi la CJUE sur l’interprétation des articles 9 § 2 b) du Règlement (CE) n°207/2009 du 26 février 2009 et 9 § 3 b) du Règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne aux regards des actes d’entreposage de la société Amazon.

Ces dispositions conférent au titulaire d’une marque de l’Union Européenne le droit exclusif d’interdire à un tiers de faire usage du signe protégé dans la vie des affaires en ce compris le fait d’« offrir les produits ou les mettre dans le commerce ou les détenir à ces fins ou offrir ou fournir des services sous le signe ».

 

La conciliation des intérêts des titulaires de droits et des marketplaces

Après avoir rappelé qu’Amazon n’avait qu’entreposé les produits litigieux et ne les avait pas offerts à la vente ni mis dans le commerce, et n’entendait pas davantage le faire, la CJUE recherche « si une telle opération d’entreposage peut être considérée comme un « usage » de la marque (…) et en particulier comme le fait de « détenir » ces produits aux fins de leur offre ou de leur mise dans le commerce ».

Pour y répondre, il convient, en premier lieu, de rappeler la définition de l’expression « faire usage » qui implique notamment la maitrise de l’acte constituant l’usage de la marque[2] ou l’utilisation dudit signe dans sa communication commerciale.[3]

Concernant les plateformes de commerce en ligne, l’usage des marques est réalisé par les vendeurs et non par l’exploitant de la plateforme[4] celui-ci se limitant à exécuter, sur les instructions d’un tiers, une partie technique du processus, sans avoir d’intérêt dans les signes figurant sur les produits.[5] Dans le cadre spécifique du stockage de marchandises, même si une marketplace fournit les conditions techniques nécessaires pour l’usage du signe et est rémunérée pour ce service[6], elle ne fait pas usage du signe litigieux mais fournit un service d’entreposage.[7]

La CJUE relève que le groupe Amazon n’a pas offert lui-même les produits litigieux à la vente, et ne les a pas mis dans le commerce. Seul le vendeur poursuit cet objectif. En conséquence, la CJUE en conclut que la société Amazon n’a pas « fait usage » de la marque Davidoff.

Elle considère ainsi que la responsabilité de l’entrepositaire ne peut pas être recherchée lorsqu’il n’avait pas connaissance du caractère contrefaisant des produits entreposés et qu’il n’entendait pas lui-même les offrir à la vente ou les mettre dans le commerce.

 

L’entrepositaire de marchandises, un hébergeur comme les autres ?

Dans son communiqué de presse[8], la CJUE prend le soin de rappeler l’existence du régime de responsabilité allégé des hébergeurs de données. En application de la directive 2000/31 et de la loi n° 2004-575, la responsabilité de tels prestataires ne peut être engagée que s’ils ont effectivement connaissance du caractère illicite des données qu’ils stockent et qu’ils n’agissent pas promptement pour retirer ou rendre l’accès à ces informations impossibles lorsqu’ils ont connaissance de leur caractère illicite[9]

Dans le cas présent, il est intéressant de relever que la Cour conditionne l’absence de responsabilité de l’entrepositaire à l’absence de connaissance de l’atteinte. Faut-il pour autant en déduire que l’entrepositaire devient responsable si l’atteinte aux droits de propriété intellectuelle lui a été notifiée et qu’il est malgré tout demeuré passif ? Pour produire ses effets, la notification doit-elle suivre un formalisme particulier, à l’instar des notifications en matière de responsabilité des hébergeurs ?

Ces interrogations restent ouvertes.

En tout état de cause, la preuve de la connaissance du caractère contrefaisant des marchandises stockées par l’entrepositaire sera particulièrement délicate à apporter, chaque marketplace intervenant différemment au sein des processus de vente. Les situations nécessiteront donc d’être analysées au cas par cas.

 

Gabriel Esteves, Juriste – Pôle Propriété intellectuelle & Claudia Weber, Avocat fondateur | ITLAW Avocats

Le Cabinet ITLAW Avocats, fort de son expertise depuis plus de 25 ans en propriété intellectuelle, en nouvelles technologies et en protection des données, accompagne ses clients dans la protection de ses droits de propriété intellectuelle, et est à votre disposition pour toute assistance à ce sujet.

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[1]CJUE, 2 avril 2020, C-567/18, Coty Germany GmBH c./ Amazon Services Europe SARL, http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=4CCF21EF5A73047ACE56B23F89360354?text=&docid=224883&pageIndex=0&doclang=fr&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=4810462

[2] CJUE, 3 mars 2016, Daimler, C-179/15.

[3] CJUE, 23 mars 2010, Google France et Google, C-236/08 à C-238/08.

[4] CJUE, 12 juillet 2011, L’Oréal e.a., C‑324/09

[5] CJUE, 15 décembre 2011, Frisdranken Industrie Winters, C-119/10.

[6] CJUE, 23 mars 2010, Google France et Google, C-236/08 à C-238/08 et CJUE, 15 décembre 2011, Frisdranken Industrie Winters, C-119/10.

[7] CJUE, 16 juillet 2015, TOP Logistics e.a., C-379/14.

[8] https://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2020-04/cp200039fr.pdf

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