Le principe d’équivalence de l’envoi par lettre recommandée électronique (LRE) à l’envoi par lettre recommandée papier n’est pas nouveau en droit français.

Initialement prévu par l’Ordonnance du 16 juin 2005 (créant l’article 1369-8 du code civil), puis précisé par le Décret n°2011-144 du 2 février 2011 et le Décret n° 2011-434 du 20 avril 2011, ce principe a fait peau neuve grâce à la Loi pour une République Numérique du 7 octobre 2016 (LRN) dont l’applicabilité de l’encadrement de la LRE dépendait de la publication d’un décret d’application.

C’est désormais chose faite avec la publication du décret n°2018-347 du 9 mai 2018.

Ce décret, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2019, fixe les modalités d’application de l’article 93 de la LRN, qui vise à garantir le principe d’équivalence précité et à unifier les règles régissant l’utilisation de la LRE, désormais encadrée par le seul article L-100 du code des postes et des communications électroniques (CPCE).

L’avènement d’un nouveau régime unifié

L’envoi de lettres recommandées électroniques n’est plus cantonné au cadre des relations contractuelles, l’article 93 de la LRN ayant abrogé l’article 1127-5 du code civil qui disposait : « Une lettre recommandée relative à la conclusion ou à l’exécution d’un contrat peut être envoyée par courrier électronique à condition que (…) ».

A compter du 1er janvier 2019, l’envoi d’une lettre recommandée électronique sera, pour toutes ses potentielles utilisations, équivalent à un envoi réalisé par recommandé papier.

Une limite importante à cette utilisation subsiste néanmoins : lorsque le destinataire n’est pas un professionnel, l’expéditeur devra recueillir le consentement préalable du destinataire à la réception d’une lettre recommandée sous forme électronique.

Il est également à noter que les envois de lettres recommandées effectuées en application de l’ancien régime restent régis par les dispositions du Décret n°2011-144 du 2 février 2011.

Un renvoi aux normes européennes

Dans la lignée du décret d’application relatif à la signature électronique (n° 2017-1416 du 28 septembre 2017), le nouveau décret du 9 mai 2018 (créant les articles 53-1 à 53-4 du CPCE) renvoie directement, s’agissant des critères fiabilité et de validité du dispositif de LRE, aux exigences du Règlement Européen 910/2014 du 23 juillet 2014 dit « Règlement e-IDAS » (en particulier son article 44) ainsi qu’à celles du règlement d’exécution 2015/1502 du 8 septembre 2015.

Le droit français laisse ainsi le soin à ces deux textes européens de définir les obligations pesant sur les prestataires de LRE en matière de vérification d’identité, de preuve du dépôt et d’information du destinataire de la LRE.

Vérification d’identité

A partir du 1er janvier 2019, la vérification de l’identité de l’expéditeur et celle du destinataire devront être assurées par le prestataire de lettre recommandée dans les conditions prévues par ce même Règlement e-DIAS.

Postérieurement à cette identification, le Prestataire pourra leur attribuer un moyen d’identification électronique que ces derniers utiliseront pour attester de leur identité à chaque envoi ou réception.

Preuve du dépôt

Ce même prestataire doit délivrer à l’expéditeur une preuve du dépôt électronique de l’envoi, qu’il devra conserver pendant un an. La preuve de dépôt comporte les informations suivantes :

  • Le nom et le prénom ou la raison sociale de l’expéditeur, ainsi que son adresse électronique ;
  • Le nom et le prénom ou la raison sociale du destinataire ainsi que son adresse électronique ;
  • Un numéro d’identification unique de l’envoi attribué par le prestataire ;
  • La date et l’heure du dépôt électronique de l’envoi indiquées par un horodatage électronique qualifié tel que défini par l’article 3 du Règlement e-IDAS ;
  • La signature électronique avancée ou le cachet électronique avancé tels que définis par l’article 3 du Règlement e-IDAS utilisé par le prestataire de services qualifié lors de l’envoi.

Information du destinataire

Le prestataire de LRE informe le destinataire, par voie électronique, qu’une LRE lui est destinée et qu’il a la possibilité, pendant un délai de quinze jours à compter du lendemain de l’envoi de cette information, d’accepter ou non sa réception.

Le destinataire n’est pas informé de l’identité de l’expéditeur.

En cas d’acceptation par le destinataire de la LRE, le prestataire procède à sa transmission.

Le prestataire conserve une preuve de la réception par le destinataire des données transmises et du moment de la réception, pour une durée qui ne peut être inférieure à un an. Cette preuve comporte notamment la date et l’heure de réception de l’envoi, indiquées par un horodatage électronique qualifié.

En cas de refus de réception ou de non-réclamation par le destinataire, le prestataire met à disposition de l’expéditeur, au plus tard le lendemain de l’expiration du délai de quinze jours, une preuve de ce refus ou de cette non-réclamation. Là encore, cette preuve précise notamment la date et l’heure du refus telles qu’indiquées par un horodatage électronique qualifié.

Le prestataire conserve la preuve de refus ou de non-réclamation du destinataire pour une durée qui ne peut être inférieure à un an.

Recours de l’expéditeur

En cas de retard dans la réception ou en cas de perte des données, la responsabilité du prestataire peut être engagée, mais les indemnités susceptibles d’être mise à sa charge ne pourront excéder la somme de 16 euros (article R2-1 du CPCE).

 

Claudia Weber, Avocat Fondateur & Arthur Poirier, Avocat

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