Alors que l’onde choc du drame du vendredi 12 mai 2023, où une collégienne s’est donné la mort à Vendin-le-Viel suite au harcèlement qu’elle a subi au collège et sur les réseaux sociaux n’est toujours pas dissipée, le Parlement adopte de nouvelles mesures.

Pour lutter contre la haine en ligne, les députés et les sénateurs ont voté un nouveau texte de loi visant à instaurer une majorité numérique à l’âge de 15 ans. En adoptant le texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’Assemblée nationale et le Sénat cherchent à prévenir et poursuivre plus efficacement les délits en ligne, dont le cyberharcèlement pour protéger les mineurs, en les obligeant à demander le consentement de leurs parents pour s’inscrire sur n’importe quels réseaux sociaux.

Mais la loi est-elle suffisante face à la surexposition aux écrans des mineurs ?

Tout d’abord rappelons, qu’est-ce qu’un réseau social ?

Cette loi définit le réseau social comme suit : « On entend par service de réseaux sociaux en ligne toute plateforme permettant aux utilisateurs finaux de se connecter et de communiquer entre eux, de partager des contenus et de découvrir d’autres utilisateurs et d’autres contenus, sur plusieurs appareils, en particulier au moyen de conversations en ligne, de publications, de vidéos et de recommandations. »

L’exposition aux réseaux de plus en plus tôt pour les mineurs

Le problème de la surexposition des enfants en ligne a déjà été soulevé de nombreuses fois notamment par la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL). Lors d’une enquête en 2021, la CNIL met en avant l’âge de plus en plus précoce auquel les enfants s’aventurent sur les réseaux sociaux. En effet, plus de la moitié des mineurs sont présents sur les réseaux sociaux entre 10 et 14 ans, avec une moyenne d’âge pour la première inscription s’élevant à 8 ans.

Mais, la CNIL n’est pas la seule à soulever le souci d’âge prématuré des premières connections sur les réseaux des mineurs. L’Association Génération Numérique (AGN) a également publié une étude en 2021, aux termes de laquelle, elle fait le même constat, démontrant que 63% des moins de 13 ans possède au moins 1 compte.

L’AGN étudie également la question de la supervision des parents et constate que 80% des parents ne savent pas ce que leurs enfants font réellement en ligne.

Mais alors pourquoi les parents autorisent leurs enfants à être sur les réseaux sociaux ? Pour les parents, il est très difficile de lutter contre la pression sociale exercée sur leurs enfants dès le plus jeune âge. Certains parents se sont sentis poussé à accepter contre leur gré la création d’un compte pour leur enfant, pour éviter qu’il se sente exclu du groupe.

Malheureusement, il y a de nombreuses conséquences à l’exposition des mineurs aux écrans.

En 2019, le Haut Conseil de Santé Publique (HCSP) a étudié les comportements des jeunes face à l’usage des écrans. Le HCSP en conclut qu’un usage excessif peut engendrer chez les plus jeunes des soucis d’addiction aux écrans, des troubles du sommeil, une exposition à la désinformation, au cyberharcèlement, ainsi qu’à du contenu pornographique.

La réponse du Parlement face à l’usage prématuré des réseaux sociaux chez les jeunes

Pour répondre à cette problématique, le Député Laurent Marcangeli a déposé une proposition de loi le 17 janvier 2023, qui a fait l’objet d’une procédure accélérée et vient d’être adoptée par l’Assemblée Nationalee et le Sénat. Dans cette nouvelle loi, il est question de protéger les enfants au mieux contre l’usage des réseaux sociaux.

La loi va permettre le renforcement des obligations des éditeurs, notamment au moment de l’inscription des mineurs.

La création d’un compte pour un mineur de moins de 15 ans sera possible uniquement avec l’accord d’un des deux parents.

De plus, la plateforme devra :

  • avertir les parents et les enfants « (des) risques liés aux usages numériques et (des) moyens de prévention », ainsi que les informer sur les conditions d’utilisation de leurs données personnelles et leurs droits garantis par la loi sur la protection des données à caractère personnel (y compris le RGPD).
  • rendre possible pour les parents de suspendre le compte de leur enfant pour le bien de celui-ci. Dès l’inscription, les parents pourront activer un système de contrôle du temps passé en ligne, et des notifications régulières de rappel apparaitront sur l’écran du mineur.
  • activer un dispositif permettant de contrôler le temps d’utilisation de leur service et informer régulièrement l’usager de cette durée par des notifications,
  • diffuser des messages de prévention pour prévenir des risques de cyberharcèlement,
  • faciliter le signalement de contenu choquant pour tous les utilisateurs comme « l’apologie d’actes terroristes, l’incitation à la haine, les harcèlements sexuel et scolaire, le harcèlement conjugal ou moral, le chantage, l’atteinte à la vie privée et l’atteinte à la représentation de la personne. »
  • indiquer aux personnes auteurs de signalement des structures d’accompagnement face au harcèlement en ligne tels que numéro 3018 (numéro vert de la lutte contre le cyberharcèlement).

Les plateformes doivent maintenant mettre en place une solution technique pour vérifier l’âge de l’utilisateur, ainsi que l’autorisation parentale de manière efficace.

Si le fournisseur de la plateforme ne respecte pas ses obligations, une amende pouvant aller jusqu’à 1% de son chiffre d’affaires mondial pourra lui être appliquée.

Cette loi précise que ces obligations ne s’appliqueront « ni aux encyclopédies en ligne à but non lucratif ni aux répertoires éducatifs ou scientifiques à but non lucratif ».

Les parents et les enseignants face à l’évolution du numérique

Le Parlement est bien conscient que ce texte ne règlera pas le problème par « magie », mais il constitue une première pierre à l’édifice. En effet, les réseaux sociaux sont un véritable vecteur de risques pour nos enfants, pour autant la régulation restera insuffisante si ce sujet n’est pas pris en main de manière plus globale en particulier par les parents et le corps enseignant qui sont en première ligne.

Avec le développement du numérique qui a su s’introduire dans notre quotidien, il est plus dur de contrôler ce qui se passe en ligne, et donc d’éduquer les enfants sur les dangers du numérique surtout quand nous-mêmes nous n’en sommes pas toujours conscients.

Il est donc primordial de sensibiliser les parents et les enseignants aux risques de l’exposition aux écrans des mineurs pour qu’ils puissent mieux appréhender l’ampleur du défi imposé par le numérique, et donc mettre en place un système éducatif et ludique pour prévenir des conséquences néfastes des écrans sur les plus jeunes.

En mettant au cœur de cette nouvelle loi l’autorité parentale, avec notamment les autorisations parentales et les dispositifs de surveillance du temps d’écran, les parents pourront sans doute se sentir moins démunis pour protéger leurs enfants face aux conséquences des réseaux sociaux, en régulant et en contrôlant leurs accès sur ceux-ci.

La protection de nos enfants face au numérique ne fait que commencer, espérons que toutes ces mesures s’intègreront dans une démarche plus globale auprès de tous les acteurs intervenant auprès de nos jeunes ! 

 

Claudia Weber, avocat associé fondateur d’ITLAW Avocats et Marguerite Hardy stagiaire en communication & marketing | ITLAW Avocats

 

[1] LOI n° 2023-566 du 7 juillet 2023 visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne

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