Gare à l’augmentation unilatérale et sans préavis des tarifs : il existe un risque de qualification de rupture brutale des relations commerciales
8 avril 2019.
L’article L 442-6, I, 5° du Code de commerce dispose qu’ “Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers […] de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels […]“.
Les particularités de ce texte sont les suivantes :
- il est d’ordre public. Aussi il n’est pas possible d’y déroger contractuellement,
- il s’applique à toute “relation commerciale établie“. Peu importe l’existence d’un, plusieurs ou aucun contrat,
- il vise uniquement à indemniser le non-respect d’un préavis informant son partenaire de la fin des relations commerciales.
La jurisprudence n’a eu de cesse de venir définir les conditions d’application de ce texte.
Dans un arrêt en date du 17 janvier 2019 [1], la cour d’appel de Paris est venue préciser que l’augmentation unilatérale et injustifiée de ses tarifs par le fournisseur pouvait caractériser une rupture brutale sanctionnée par l’article L 442-6 du Code de commerce précité.
En l’espèce, la société J. (le distributeur) s’approvisionnait auprès de la société S. (le fournisseur) depuis 2008. Les parties avaient convenu de fixer annuellement les prix.
En 2014, le fournisseur a décidé d’augmenter unilatéralement ses prix de 25 % à 30 % par rapport à ceux pratiqués jusqu’alors. N’acceptant pas l’augmentation de tarif, le distributeur a cessé d’émettre des commandes en 2015.
Dès lors, la cour d’appel a considéré qu’ « une augmentation unilatérale, sans préavis et hors de toute proportion, des tarifs jusqu’alors consentis à un partenaire commercial est constitutive d’une rupture brutale de la relation établie ».
En effet, la cour d’appel a relevé que le fournisseur “[n’] apportait aucune justification objective à la hausse brutale de ses prix, la seule attestation de son expert-comptable (…) ne présentant pas de caractère probant en l’absence de justification des prix facturés par ses propres fournisseurs et de la marge brute réalisée. Qu’en tout état de cause la hausse du prix de la levure, matière première utilisée par S., ne peut justifier l’augmentation du prix pratiqué avec J. notifiée seulement douze jours après avoir accepté avec le distributeur un prix de xx“.
Aussi, la rupture brutale est imputable au fournisseur dans la mesure où l’absence de commande du distributeur n’était “qu’une réaction aux exigences comminatoires et disproportionnées de son fournisseur“.
Au regard de l’ancienneté de la relation commerciale (6 ans) et de de la spécificité du produit concerné, la cour d’appel a retenu que le délai de préavis aurait dû être de huit mois.
La rupture de la relation commerciale peut résulter de la résiliation unilatérale d’un contrat à durée indéterminée ou déterminée. Elle peut également revêtir de nombreuses formes. Tel est le cas par exemple d’une réduction significative du courant d’affaires, d’un changement d’organisation dans le mode de distribution d’un fournisseur.
Marine Hardy, avocat, responsable des pôles Innovations et Sécurité et Pauline Vital, avocat
[1] Cour d’appel de Paris, 17 janvier 2019, RG n°16/23339
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