Les plateformes d’e-commerce ont un impact environnemental significatif. Pour répondre au défi climatique, le régulateur a introduit un ensemble d’obligations environnementales que nous décryptons pour vous dans cet article. Afin de faire de ces nouvelles contraintes une force, nous vous vous proposons une approche qui combine conformité légale, avantage concurrentiel et protection de l’environnement en intégrant cette nouvelle réglementation dans une démarche collective associant vos partenaires, clients et prospects.

En 2022, le secteur du e-commerce en France¹ a réalisé un chiffre d’affaires total de près de 150 milliards d’euros. Pour mesurer l’ampleur du phénomène, la Fevad souligne dans son étude la forte préoccupation des acteurs du e-commerce pour la sauvegarde de l’environnement.

Le e-commerce, c’est aussi un million de tonnes de CO2 par an. Une estimation du volume de CO2 émis par le milliard de colis transportés par an évaluée par l’Ademe, l’agence de la transition écologique, dans une étude d’avril 2023. Cette étude souligne ainsi l’impact significatif et croissant de l’e-commerce sur l’environnement.

Dans ce contexte, les plateformes d’e-commerce, y compris les places de marché, sont confrontées à la montée en puissance d’une réglementation environnementale complexe et protéiforme, lourdement sanctionnée et à la nécessité de l’intégrer à leur activité, comme elles l’ont fait avec la cybersécurité et le RGPD.

Des obligations complexes et protéiformes

La réglementation environnementale issue principalement des lois Agec de 2020 et Climat et Résilience de 2021 s’appliquent progressivement aux plateformes d’e- commerce. Les opérateurs sont soumis à de nombreuses obligations qui doivent impérativement être prises en compte.

Sans viser à l’exhaustivité, les principales obligations sont les suivantes :

– l’opérateur est soumis à une obligation d’information renforcée du consommateur lors de l’acte d’achat pour ce qui concerne les catégories de produits générateurs de déchets définies par décret, concernant notamment leurs qualités et caractéristiques environnementales telles que l’incorporation de matières recyclées, l’emploi de ressources renouvelables, la durabilité, la réparabilité, la recyclabilité. S’agissant des équipements électriques et électroniques, l’opérateur est tenu d’informer sans frais les consommateurs de leur indice de réparabilité et de leur indice de durabilité. De même, à l’issue d’une phase expérimentale, l’opérateur sera tenu d’informer le consommateur de l’impact environnemental des biens et services, notamment en termes d’émissions de gaz à effet de serre, d’atteintes à la biodiversité et de consommation de ressources naturelles. Il s’agit là de l’« éco-score », calqué sur le « nutri-score » ;

– à cela s’ajoute la possible extension aux opérateurs de plateformes de certaines obligations de la responsabilité élargie du producteur (REP), comme l’enregistrement auprès de l’Ademe, la transmission d’informations à cette dernière, le paiement de l’éco-participation ou encore l’obligation de reprise des produits usagés. À cet égard, il est à noter que le nombre de filières concernées par la REP ne cesse de s’élargir ;

– peuvent également être signalées l’interdiction d’éliminer les produits non alimentaires relevant des filières concernées par la REP ou encore l’obligation de réemploi et de réutilisation des emballages.

Les obligations dépendent des produits offerts et de la taille de l’opérateur

Les obligations environnementales que doivent respecter les plateformes entrent en vigueur de manière échelonnée selon plusieurs modalités.

S’agissant des nouvelles filières (catégories de produits) relevant de la REP, elles s’échelonnent entre 2022 et 2025.

S’agissant de la taille des plateformes, les plus importantes sont concernées dès aujourd’hui alors que pour les autres, les obligations environnementales entreront en vigueur entre 2024 et 2025.

La nature évolutive de la réglementation nécessite une veille constante afin de pouvoir anticiper

Enfin, s’agissant de l’« éco-score », celui-ci sera mis en place après une phase expérimentale et pour une partie seulement des filières relevant de la REP.

Des sanctions dissuasives

D’une manière générale, ces obligations environnementales s’appliquent aux opérateurs de plateformes d’e-commerce. Le non-respect de chacune de ces obligations est sanctionné par des amendes administratives de différents montants, de l’ordre de 15 000 € pour une personne morale, ou fonction de la gravité des manquements et des avantages retirés, ou par des amendes contraventionnelles.

De plus, toute publicité affirmant qu’un produit ou un service est neutre en carbone sans justification objective est sanctionnée par une amende de 100 000 € pour une personne morale.
Il faut également souligner que la définition du délit de pratiques commerciales trompeuses prévu par le code de la consommation a été complétée de manière à tenir pour trompeuses les allégations fausses ou de nature à induire en erreur portant sur l’impact environnemental d’un produit ou d’un service.
Enfin, une plateforme d’e-commerce qui commettrait un tel délit pourrait s’exposer à un déréférencement de son site à l’initiative de la DGCCRF, en application de l’article L.521-3-1 du code de la consommation.

Une stratégie de mise en conformité continue

L’opérateur d’une plateforme d’e-commerce doit donc mettre en place une stratégie rigoureuse de mise et de maintien en conformité de ses obligations environnementales, en particulier :

– identifier les réglementations environnementales susceptibles de lui être applicables, notamment en fonction de son volume d’activité ;
– ensuite, faire l’inventaire des produits vendus via la plateforme et identifier les réglementations environnementales qui leur sont applicables ;
– puis mettre en œuvre ces obligations, notamment en adaptant le parcours client, en complétant la fiche produit avec les indications environnementales pertinentes et en informant le consommateur des modalités de la reprise des produits usagés ou des emballages ;
– le cas échéant, il doit remplir auprès de l’Ademe ses obligations issues de la REP.

Aussi, nous recommandons :

– d’intégrer la dimension environnementale dans l’ensemble de la documentation contractuelle, notamment les CGV et les CGU et, s’agissant des places de marché, dans le contrat entre l’opérateur et chaque marchand, notamment en ce qui concerne la répartition des obligations et la responsabilité qui en découle ;

– d’anticiper les évolutions de la réglementation.

Faire de la démarche environnementale un avantage concurrentiel

La réglementation environnementale peut être envisagée comme une contrainte subie. Elle peut aussi être abordée comme un moyen de construire, avec les consommateurs, une économie plus respectueuse en les impliquant dans la démarche de respect de l’environnement.

La part du comportement des consommateurs dans l’impact environnemental de l’e-commerce est en effet importante, notamment en termes de pratiques d’achat et de choix du mode de livraison. L’opérateur d’une plateforme d’e-commerce qui impliquerait le consommateur dans une démarche partenariale écoresponsable, par exemple en le sensibilisant sur le coût environnemental de ses décisions concernant les modalités de livraison, les retours ou les achats multiples, pourrait bien en tirer un avantage concurrentiel.

Et pourquoi pas, intégrer la démarche environnementale à tous les stades de l’activité économique, de la conception du service à la satisfaction du client, dans une démarche « eco-by-design » ?

LES POINTS CLÉS

  •  Après le RGPD et la cybersécurité, la question environnementale devient un élément structurant
    du e-commerce.
  • Les obligations environnementales destinées à diminuer l’impact environnemental des activités économiques sont complexes et de plus en plus nombreuses. Elles s’appliquent aux plateformes
    de e-commerce, et peuvent être l’occasion de créer de nouveaux modèles, par exemple en intégrant les partenaires et les clients dans une approche « eco-by-design »
  • Les opérateurs de places de marché doivent porter une attention particulière à la situation des marchands ayant recours à leur plateforme
  • Les opérateurs doivent mettre à jour leur documentation contractuelle (contrats fournisseurs, CGV, CGU…) pour intégrer ces nouvelles réglementations.

Article rédigé par Claudia Weber, Avocat Associé Fondateur ITLAW Avocats & Jean-Christophe Ienné, Avocat directeur des pôles Propriété intellectuelle & industrielle, Médias & Audiovisuel et Internet

1 Étude de la Fevad « Les chiffres clés du e-commerce 2023 » diffusée en juillet 2023.

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