Les dérives de projets informatiques ne sont malheureusement pas rares.

Souvent liées à des problématiques de définition du périmètre initial, de retards, de mobilisation des équipes, ou encore de difficultés techniques, elles peuvent s’avérer inextricables et conduire à une rupture de la relation contractuelle.

Le juge saisi doit alors apprécier la situation sous l’angle  factuel, afin de déterminer les éventuelles fautes contractuelles de chacun permettant de trancher le litige.

C’est l’exercice effectué par la cour d’appel d’Amiens dans un arrêt du 13 décembre 2018.

Dans cette affaire, la société X souhaite mettre en place un nouveau système d’information pour son processus industriel de fabrication et de production.

Elle conclut à cette fin avec la société Z, prestataire de services, plusieurs contrats concernant : l’analyse du projet, l’’intégration de logiciels,  et l’assistance à maîtrise d’ouvrage.

Le contrat d’intégration de logiciels  prévoit la réalisation de prestations dans le cadre d’un forfait financier.

Rencontrant des difficultés d’exécution, le prestataire engage des négociations au motif notamment de modification du périmètre initial du projet.

 L’avenant qui aurait dû formaliser ces modifications n’a pas été signé.

A la suite d’une analyse détaillée de la relation au cours du projet, la Cour d’Appel précise que :

 

« la société Z fait valoir que sa cliente ne pouvait s’opposer à une augmentation du prix au cours de l’exécution du contrat dans la mesure où le contrat prévoyait une possibilité de modification en fonction des prestations supplémentaires demandées par le client. (….)

Pour autant, ainsi que le souligne à juste titre la société Z, un désaccord sur une augmentation du périmètre initial, ne pouvait avoir d’autre incidence que de maintenir les parties dans le lien contractuel initial, aucune d’elles ne pouvant imposer à l’autre une extension de périmètre.

Or, dans un courrier du 30 novembre 2012, la société Z a clairement conditionné la poursuite de l’exécution du contrat initial à la signature d’un engagement de la société X de payer un prix supplémentaire de 1 6000 000 euros HT (….), la société Z n’allègue pourtant pas ni ne démontre que les prestations supplémentaires envisagées étaient indispensables à l’exécution du contrat initial ; le ferait-elle, il lui appartiendrait de s’expliquer sur le fait que ces prestations nécessaires n’étaient pas incluses dans le marché à forfait, indépendamment de la complexité réelle du projet d’intégration d’un nouveau système d’exploitation qu’elle était à même d’anticiper grâce à son expérience et aux missions déjà exécutées pour la société X.

(…)
Enfin, il ressort sans ambiguïté de la présentation faite par la société Z à sa client le 1er octobre 2012 que l’augmentation des prix des prestations souhaitée par le prestataire résultait pour sa plus grande part d’un coût d’exécution des prestations initialement promises (…) significativement plus important que la base sur laquelle elle avait proposé un prix forfaitaire. »

 

La cour d’appel en conclut : « Dans ces circonstances, le fait de conditionner la poursuite de ses prestations à un accord sur un prix complémentaire de 1 600 000 euros HT n’était pas justifié par les termes du contrat ; il constituait au contraire une faute en ce qu’il contrevenait au caractère forfaitaire de l’accord initial. »

 

Marine Hardy, avocat, responsable des pôles Innovations et Sécurité

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