La Société Dailymotion, qui exploite une plate-forme permettant le stockage et le visionnage de contenus audiovisuels, vient dernièrement d’être condamnée en justice à indemniser le groupe TF1 à hauteur de plus de 1,2 millions d’euros[1].

Les faits à l’origine de cette exceptionnelle condamnation sont les suivants :

Les sociétés du groupe TF1 ont par constat d’huissier établi que la société Dailymotion diffusait sans autorisation plusieurs contenus audiovisuels sur lesquels, elles détenaient des droits. Après plusieurs mises en demeure restées sans réponse, elles ont assigné Dailymotion en contrefaçon, parasitisme et concurrence déloyale.

Dans son jugement du 13 septembre 2012[2], le Tribunal de grande instance de Paris rejette les demandes du groupe TF1 fondées sur les fautes commises par Dailymotion en qualité d’éditeur. En effet, le tribunal énonce que Dailymotion à la qualité d’hébergeur et est donc uniquement responsable des manquements à l’obligation de prompt retrait après notification régulière.  La société Dailymotion est ainsi condamnée à verser 270 000€ de dommages et intérêts car elle avait tardé à supprimer les vidéos litigieuses. Le groupe TF1 a fait appel de ce jugement.

Sans surprise, l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 2 décembre 2014 condamne Dailymotion en reprenant une logique similaire.

Sur le statut et la responsabilité de Dailymotion

  • Les arguments invoqués par le groupe TF1 : TF1 estime que Dailymotion à un rôle d’éditeur car la société permet de promouvoir certains contenus et met en avant certains de ses membres (rôle actif). A titre subsidiaire, même en qualité d’hébergeur, elle n’a pas retiré promptement les contenus en cause et a donc manqué à son engagement d’éviter toute remise en ligne des contenus.
  • Les arguments en défense: la société estime quant à elle qu’elle à un statut d’hébergeur en raison de son comportement passif  et totalement neutre  (pas de contrôle de sa part). Comme l’avait affirmé en 2011 la Cour de cassation[3], Dailymotion n’est qu’un simple hébergeur et n’a donc pas d’obligation générale de surveillance des contenus stockés.  A ce titre, Dailymotion revendique le statut d’intermédiaire technique et le régime de la responsabilité limitée instaurée par l’article 6 I.2 de la LCEN[4]

La décision de la Cour d’appel

Si la société Dailymotion a bien le statut d’hébergeur, elle doit être condamnée car elle n’a pas retiré promptement les contenus litigieux. En effet, certains contenus étaient encore visibles 13 jusqu’à 104 jours après les mises en demeure adressées à Dailymotion. Ainsi, la société n’a pas respecté son obligation de prompt retrait des données dont elle avait été informée du caractère illicite par des mises en demeure et n’a pas entrepris la moindre action à l’encontre des usagers expressément dénoncés.

Ces manquements constituent des faits de concurrence déloyale et parasitaires constitutifs d’une faute engageant la responsabilité civile de la société Dailymotion, d’autant plus que les utilisateurs de Dailymotion ne se sont pas tournés vers les sites de rattrapages du groupe TF1 (impact important sur les recettes publicitaires constitutif d’un manque à gagner).

L’histoire n’est pas terminée car Dailymotion, qui va semble-t-il être prochainement racheté par un groupe japonais, va se pourvoir en cassation …

  • Recommandations :

–          Si vous n’êtes qu’un simple hébergeur, ne tardez pas à supprimer les contenus litigieux qui vous auront été signalés par le biais d’une mise en demeure.

–          Vérifier que la mise en demeure comporte les mentions obligatoires instaurées par la LCEN.

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 [1]Cour d’appel de Paris, 2 décembre 2014

[3] Cour de cassation, 17 février 2011

[4] L’hébergeur ne peut être tenu comme responsable des contenus stockés que s’il a été notifié de leur caractère illicite et s’il n’a pas agit promptement pour le retirer. Les hébergeurs ne sont pas soumis à une obligation générale de surveiller les contenus stockés. Ils ne doivent agir que lorsqu’on leur signale tel ou tel contenu précis.

 

Claudia Weber, Avocat Associée et Audrey COHAS, Avocat

ITLAW Avocats

www.itlaw.fr

 

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