[COVID-19] – La téléconsultation dans tous ses états !
28 août 2020.
5,5 millions, c’est le nombre de téléconsultations remboursées entre mars et avril 2020 par l’Assurance Maladie. En effet, depuis le début de l’épidémie, la téléconsultation a connu un essor considérable dans le domaine médical, le nombre moyen hebdomadaire de téléconsultations atteignant près d’un million au plus fort de la crise sanitaire [1].
Pour rappel, la téléconsultation est une consultation entre un professionnel médical « téléconsultant » et un patient, par l’intermédiaire des technologies de l’information.
Elle fait partie, avec la télésurveillance, la téléexpertise, la téléassistance et la régulation médicale, des cinq actes de télémédecine [2] définis par le code de la santé publique [3].
Cadre initial – Depuis 2018 [4], la téléconsultation est prise en charge si :
- le patient a donné son consentement préalablement à la réalisation de l’acte après avoir été informé des conditions de réalisation de la téléconsultation ;
- elle respecte le parcours de soins coordonnés;
- le patient a été orienté initialement par son médecin traitant quand la téléconsultation n’est pas réalisée avec ce dernier, dans les conditions du parcours de soins coordonnés ;
- le patient est connu du médecin téléconsultant, c’est-à-dire a bénéficié au moins d’une consultation avec lui en présentiel dans les douze derniers mois.
A ce titre, le Conseil d’état a refusé le remboursement de tels actes effectués par l’intermédiaire d’une plateforme, lorsque ces derniers ont été réalisés en dehors du parcours de soins prévu [5].
Assouplissement du recours à la téléconsultation – Depuis le début de l’épidémie, le gouvernement a assoupli les conditions d’exercice relatives aux téléconsultations et consultations à distance par deux décrets respectivement publiés au journal officiel les 10 mars 2020 et 20 mars 2020.
Comme le souligne la Haute Autorité de Santé, le recours à la téléconsultation permet dans ce contexte particulier :
- « D’assurer une prise en charge à domicile pour les patients présentant les symptômes de l’infection ou reconnus atteints du COVID-19 ;
- De faciliter l’accès aux soins, y compris en cas de besoin de prise en charge aigüe ;
- D’assurer une continuité de prise en charge chez les patients ayant une maladie chronique ; en période de confinement impliquant une limitation des déplacements ;
- De protéger les professionnels de santé de l’infection ainsi que les patients qu’ils prennent en charge» [6].
Désormais, les personnes « présentant les symptômes de l’infection ou reconnus atteints du covid-19 » [7] peuvent bénéficier de la téléconsultation remboursée par l’assurance-maladie, même si :
- elles n’ont pas de médecin traitant la pratiquant ;
- elles n’ont pas été orientées par leur médecin traitant ;
- le médecin téléconsultant ne les connaît pas préalablement.
Le recours à la téléconsultation a aussi été ouvert, par voie de décret, aux infirmiers [8], puis par arrêtés aux orthophonistes [9], et sages-femmes [10].
Maintien de la prise en charge par l’Assurance Maladie –Par une ordonnance publiée au Journal Officiel le 18 juin 2020, le Ministre de la santé a prorogé la prise en charge à 100% par l’Assurance Maladie des actes de télémédecine initialement prévue jusqu’au 10 juillet dernier.[11] Le remboursement étant reporté « jusqu’à une date précise et au plus tard le 31 décembre 2020 ».
Suivant les termes du Ministre de la Santé le 21 juillet 2020, l’un des engagements clés est de « lever les freins à la téléconsultation et pérenniser la prise en charge à 100% ». [12]
Le maintien des garanties – Pour ces nouveaux cas de recours à la téléconsultation, les conditions générales auxquelles sont soumis les actes de téléconsultation demeurent en vigueur, notamment concernant l’information et le recueil du consentement du patient, l’identification des acteurs de l’acte (authentification du médecin et identification du patient) et la réalisation d’un compte rendu de la téléconsultation porté au dossier médical du patient.
De plus, la téléconsultation doit être nécessairement mise en œuvre dans des lieux permettant la confidentialité des échanges, la sécurité des données transmises et dans des conditions permettant de garantir la traçabilité des actes réalisés.
Outils disponibles – Les professionnels de santé sont tenus d’utiliser des outils respectant le règlement général sur la protection des données (RGPD), la réglementation relative à l’hébergement des données de santé (HDS) et la politique générale de sécurité des systèmes d’information en santé (PGS-SIS).
Toutefois, l’arrêté du 19 mars 2020, prévoit que, pour faire face à la crise sanitaire, les professionnels de santé peuvent recourir à « tout autre outil numérique » [13].
L’Agence du Numérique en Santé a répertorié les solutions disponibles en télésanté avec, pour chacune, les fonctionnalités proposées et le niveau de sécurité garanti. Il est cependant à noter que cette liste a été établie à partir d’une auto-déclaration des éditeurs de solutions.
Evaluation des symptômes – On peut également souligner l’existence du site www.maladiecoronavirus.fr, co-développé par l’Institut Pasteur et les Hôpitaux de Paris (APHP), qui permet d’orienter les personnes pensant avoir été exposées au Covid19. Un test de 23 questions – réponses permet ainsi d’informer et de fluidifier les services d’urgence.
A l’issue de l’épidémie de Covid-19, les acteurs de la santé numérique seront invités à contribuer à l’élaboration d’un modèle de recensement dans l’Espace Numérique en Santé (ENS) afin d’avancer davantage dans la transition numérique dans le domaine de la santé.
Protection des données de santé : des enjeux forts !
L’utilisation de ces nouveaux outils numériques soulève de nouvelles difficultés au regard des droits et libertés des personnes concernées, notamment du respect de la vie privée.
C’est ainsi que le 26 juin dernier l’ONG britannique Privacy International a déposé une plainte auprès de la CNIL contre la société Doctissimo pour dénoncer les pratiques de son site internet et des applications qui lui sont associées [14]. L’ONG reproche notamment à Doctissimo de collecter les données de ses utilisateurs pour les commercialiser. Ainsi, 556 partenaires de la start up auraient eu accès aux données des utilisateurs, données particulièrement protégées au regard de leur sensibilité [15].
Par ailleurs, le 23 juillet dernier, c’est la société française Doctolib qui aurait été victime d’un incident de sécurité en raison d’un vol de données sur plus de 6000 rendez-vous [16]. Si la société assure qu’aucune information relative au dossier médical des clients n’était concernée, elle en a alerté la CNIL.
Accords Ségur – Malgré ces nouvelles problématiques, les accords Ségur, dont les conclusions ont été présentées ce 21 juillet, révèlent la place historique consacrée au numérique : deux milliards d’euros d’investissement y seront consacrés dans les prochaines années. Ces mesures permettront « de donner un coup d’accélérateur sans précédent pour rattraper le retard dans la modernisation, l’interopérabilité, la réversibilité, la convergence et la sécurité des systèmes d’information en santé, fondamentaux de la feuille de route nationale du numérique en santé portée depuis 18 mois par le ministère »[17].
Pauline Vital, Avocat en charge de l’Esanté et Claudia Weber, Avocat associé | ITLAW Avocats |
Vous souhaitez sécuriser vos projets esanté ?
Le Cabinet ITLAW Avocats, fort de son expertise depuis plus de 25 ans en matière de nouvelles technologies et de protection des données est à votre disposition pour vous accompagner. nous contacter
[1] Téléconsultation et Covid-19 : croissance spectaculaire et évolution des usages, Ameli.fr, 21/07/2020 : https://www.ameli.fr/medecin/actualites/teleconsultation-et-covid-19-croissance-spectaculaire-et-evolution-des-usages
[2] Art. L6316-1 du code de la santé publique définit la télémédecine comme « une forme de pratique médicale à distance utilisant les technologies de l’information et de la communication ».
[3] Art. R6316-1 du code de la santé publique
[4] Arrêté du 1er août 2018 portant approbation de l’avenant n° 6 à la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie signée le 25 août 2016 – Article 28.6.1. La téléconsultation
[5] CE, Juge des référés 29-05-2019
[6] Haute Autorité de Santé, Réponses rapides dans le cadre du COVID-19 -Téléconsultation et télésoin, 2 avril 2020 : https://www.has-sante.fr/jcms/p_3168867/fr/reponses-rapides-dans-le-cadre-du-covid-19-teleconsultation-et-telesoin
[7] Décret n° 2020-227 du 9 mars 2020 adaptant les conditions du bénéfice des prestations en espèces d’assurance maladie et de prise en charge des actes de télémédecine pour les personnes exposées au covid-19
[8] Décret n° 2020-277 du 19 mars 2020 modifiant le décret n° 2020-73 du 31 janvier 2020 portant adoption de conditions adaptées pour le bénéfice des prestations en espèces pour les personnes exposées au coronavirus
[9] Arrêté du 25 mars 2020 complétant l’arrêt du 23 mars 2020 prescrivant les mesures d’organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire : https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000041755801
[10] Arrêté du 31 mars 2020 complétant l’arrêté du 23 mars 2020 prescrivant les mesures d’organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire : https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000041774063
[11] Décret no 2020-859 du 10 juillet 2020 modifiant le décret no 2020-73 du 31 janvier 2020 portant adoption de conditions adaptées pour le bénéfice des prestations en espèces pour les personnes exposées au coronavirus : https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000042105878
[12] Ségur de la santé, Les conclusions, Dossier de presse juillet 2020 : https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/dossier_de_presse_-_conclusions_segur_de_la_sante.pdf
[13] Arrêté du 19 mars 2020 complétant l’arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19 : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041737443&dateTexte&categorieLien=id
[14] Réclamation auprès de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés, Doctissimo/Privacy International, 26/06/2020 : https://privacyinternational.org/sites/default/files/2020-06/26.06.2020_Privacy%20International%20-%20plainte%20Doctissimo%20FR.pdf
[15] RGPD : la CNIL enquête sur Doctissimo suite à une plainte de Privacy International, 2/07/2020 : https://www.lebigdata.fr/rgpd-cnil-doctissimo-privacy-international
[16] Doctolib victime d’un vol de données sur plus de 6.000 rendez-vous médicaux, 23/07/2020 : https://www.latribune.fr/technos-medias/innovation-et-start-up/doctolib-victime-d-un-vol-de-donnees-sur-plus-de-6-000-rendez-vous-medicaux-853446.html
[17] Le Ségur de la santé affiche le numérique comme un enjeu majeur pour la santé en France, Agence du Numérique de la Santé, 22/07/2020 : https://esante.gouv.fr/node/3641?utm_content=110614&utm_source=Dolist&utm_medium=E-Mail&utm_campaign=Segur-600149813
Nous contacter