Dans une décision récente du 2 Octobre 2013, la Cour de cassation vient rappeler qu’en matière de contrefaçon de droit d’auteur, il appartient à la partie présumée de contrefaçon de prouver qu’elle n’a pas pu accéder à l’œuvre initiale et non à l’auteur de prouver que celle-ci en a eu connaissance.

 

En l’espèce, M. X, auteur d’un roman estimait que plusieurs épisodes d’une série télévisée – « Plus belle la vie »  – diffusés du 4 juin au 27 août 2009, puis du 30 avril au 10 mai 2010, en reprenaient le thème, l’intrigue et les personnages principaux.

M. X a ainsi engagé une action en contrefaçon de droit d’auteur à l’encontre des sociétés France Télévisions, TelFrance & associés, et Rendez-vous production série.

La Cour d’appel a débouté l’auteur de sa demande en considérant qu’il devait apporter la preuve que l’auteur de la série télévisée concernée avait eu connaissance de l’existence et du contenu de son roman avant l’écriture du scénario et le tournage des épisodes litigieux.

M. X a alors formé un pourvoi devant la Cour de cassation.

 

Il invoquait notamment les arguments suivants au soutien de sa demande :

  • Le roman concerné avait été mis en ligne et proposé à la vente sur le site de l’association des auteurs autoédités dont M. X est membre, le 1er avril 2009, soit à une date antérieure à la diffusion du premier épisode litigieux intervenue le 4 juin 2009 ;
  • Des courriels d’éditeurs accusant réception de l’envoi de son manuscrit apportent la preuve de la communication de celui-ci avant la diffusion des épisodes litigieux ;
  • M. X a reçu deux contrats de commercialisation de son ouvrage avant la date du plagiat invoqué ;
  • M. X a adressé aux sociétés défenderesses un exemplaire de son roman, par lettre recommandée en date du 15 août 2009, soit avant la création des épisodes litigieux diffusés du 30 avril au 10 mai 2010.

 

De leur côté, les sociétés défenderesses mettaient notamment en avant les éléments suivants :

  • M. X ne justifie pas de façon certaine et probante de la date de mise en ligne de son roman ni même de son contenu dans la mesure où les documents produits ne font référence qu’au titre d’une œuvre sans attester valablement du contenu à cet époque ;
  • Aucun éditeur contacté par M. X n’a procédé à la publication dudit roman avant la diffusion des épisodes litigieux ;
  • Il n’est donc pas démontré que le roman de M. X a été diffusé sur internet ou vendu avant la diffusion des épisodes litigieux et que les producteurs aient pu avoir connaissance de son contenu avant l’écriture de ces épisodes, nécessairement antérieure à leur diffusion.

Pour rappel, selon les dispositions du Code de la propriété intellectuelle, une œuvre est protégeable par le droit d’auteur dès sa création – même en l’absence de divulgation publique – par son auteur qui dispose ainsi de droits moraux et patrimoniaux lui permettant de s’opposer notamment à sa reproduction ou son adaptation sans son consentement.

 

La Cour de cassation a censuré la décision de la Cour d’appel pour avoir inversé la charge de la preuve, en jugeant que :

  • « l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur celle-ci, du seul fait de sa création et indépendamment de toute divulgation publique, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous ; que la contrefaçon de cette œuvre résulte de sa seule reproduction et ne peut être écartée que lorsque celui qui la conteste démontre que les similitudes existant entre les deux œuvres procèdent d’une rencontre fortuite ou de réminiscences issues d’une source d’inspiration commune;

=>  la Cour rappelle en l’espèce, se fondant sur les articles L 111-1, 2 et L 122-4 du Code de la propriété intellectuelle, qu’il appartient au contrefacteur prétendu de rapporter la preuve qu’il n’a pu accéder à l’œuvre.

  • la Cour d’appel aurait dû analyser les deux œuvres en cause (roman et œuvre télévisuelle) et rechercher si la connaissance par les sociétés défenderesses du roman de M. X ne devait pas se déduire des « similitudes flagrantes existant entre elles » ;
  •  l’impression écran de la page du site internet de l’association des auteurs autoédités relative à la mise en vente du roman de M.X, sur laquelle figurait la date d’impression du 28/07/2009, démontrait que le roman avait été porté à la connaissance du public avant la diffusion des épisodes litigieux.

 

Une chose à retenir de cette décision donc : c’est au contrefacteur de prouver qu’il n’a pu accéder à l’œuvre qu’il est accusé d’avoir contrefaite, et non à l’auteur de ladite œuvre de prouver que son contrefacteur en a eu connaissance.

 

En conclusion, nous recommandons aux auteurs, personnes physique ou personnes morale de conserver les preuves de l’antériorité de votre création et de son contenu et de la diffusion de cette œuvre auprès de tiers.

 

Claudia Weber, Avocat Associée et Viola Morel, Avocat

ITLAW Avocats

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