C’est à cette question que la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE) avait à répondre le 30 mai 2013 suite à une des questions préjudicielles qui lui étaient soumises par une juridiction néerlandaise[1].

 

  • Faits :

Aux Pays-Bas, la société Jahani, professionnel dans le domaine de la location d’immeubles d’habitation, a loué à deux particuliers agissant à titre privé, un local à usage d’habitation. Dans le contrat de bail, il était prévu qu’en cas de défaut de paiement des loyers, les preneurs seraient tenus de verser au bailleur des intérêts de retard ainsi qu’une pénalité journalière de 25 euros pour non-respect des obligations contractuelles.

Les preneurs ayant cessé de payer les loyers, le bailleur les a assignés aux fins d’obtenir la résiliation du contrat de bail ainsi que le paiement des sommes dues. La juridiction de première instance a, dans le cadre de cette affaire, fait droit aux demandes du bailleur. 

Or une clause qui impose « au consommateur qui n’exécute pas ses obligations une indemnité d’un montant disproportionnellement élevé ;… »[2]figuredans la liste des clauses pouvant être déclarées comme abusives[3] au sens de l’article 3, paragraphe 3 la directive clauses abusives[4] (ci-après la « Directive »). 

Les preneurs ont, de ce fait, formé appel de la décision de première instance notamment pour demander de modérer le montant des pénalités en raison de la disproportion existant entre ce montant et le préjudice subi par le bailleur.

 

  • Analyse de la CJUE :

La CJUE après avoir relevé qu’en vertu de l’article 6, paragraphe 1, le contrat conclu entre un professionnel et un consommateur comportant des clauses abusives peut rester en vigueur sous réserve que le contrat puisse subsister sans les clauses abusives concernées, retient que cet article doit être interprété « en ce sens qu’il ne permet pas au juge national, lorsqu’il établit le caractère abusif d’une clause pénale dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur (…), à modérer le montant de la pénalité mise par cette clause à la charge du consommateur, mais lu impose d’écarter purement et simplement l’application de ladite clause à l’égard du consommateur»[5].

 

  • Ce que disent les textes français et la jurisprudence française :

La Directive a été transposée dans le droit français en 1995[6] et le Code de la consommation au sein duquel ses dispositions ont été codifiées prévoit aussi que :

–          Une clause qui impose au non-professionnel ou au consommateur une indemnité d’un montant manifestement disproportionné pour inexécution de ses obligations constitue une clause présumée abusive au sens de l’article L132-1 définissant les clauses abusives[7]. Toutefois, il convient de noter que le professionnel peut apporter pour ce type de clause la preuve contraire.

–          « Le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s’il peut subsister sans lesdites clauses. »[8].

 Par ailleurs, les décisions des juridictions françaises semblent également s’inscrire dans la lignée de celles prononcées par la CJUE.

Ainsi lorsque la Cour de cassation, saisie d’un pourvoi formé à l’encontre d’une décision du tribunal d’instance, avait à se prononcer sur une clause d’un contrat de vente de matériel de détection et de télésurveillance, prévoyant la possibilité au client de résilier à tout moment le contrat d’abonnement de télésurveillance sous réserve de payer la différence entre le prix réel de l’installation et la somme réglée lors de la signature du contrat, déduction faite d’une prime de fidélité ainsi que d’une commission, elle a retenu que ladite clause était une clause abusive qui doit par conséquent être réputée non écrite car elle fait « peser sur l’exercice de cette faculté de résiliation une contrainte excessive » étant donné que les déductions ont soit un caractère aléatoire, soit un caractère dérisoire[9].

 

  • A retenir :

Il ressort donc des jurisprudences de la CJUE et des jurisprudences françaises que :

–       Toute clause abusive au sens des dispositions de la Directive et du Code de la consommation figurant dans les contrats B2C ne pourront être modulées par les juges mais seront écartées ;

–       Les contrats concernés pourront rester en vigueur malgré la suppression des clauses déclarées comme abusives sous réserve qu’une telle suppression n’impacte pas l’économie générale du contrat.

 

Par conséquent, nous recommandons de :

–         Etre attentif à la rédaction des clauses dans vos contrats B2C ;

–         Avoir en tête les clauses qui sont abusives ou qui sont présumées abusives tel que prévu dans le Code de la consommation

–         Intégrer par exemple dans vos contrats B2C des clauses « palliatives » applicable en cas de nullité de la clause qui pourrait être qualifiée d’abusive.

 
Claudia Weber, Avocat associé et Chathurika Rajapaksha, Avocat collaborateur
 
ITLAW Avocats
 


[1] CJUE, 1ère Chambre, 30 mai 2013, Affaire C-488/11

[2] Clause figurant au point 1 e) dans la liste de l’Annexe de la directive qui mentionne les clauses pouvant être déclarées comme abusives au sens de l’article 3, paragraphe 3 de la directive

[3] Annexe 1 de la Directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs

[4] Directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs

[5] CJUE, 1ère Chambre, 30 mai 2013, Affaire C-488/11, paragraphe 60

[6] Loi n°95-96 du 1er février 1995

[7] Article R 132-2, 3° du Code de la consommation

[8] Article L132-1, alinéa 6 du Code de la consommation

[9] Cour de cassation, chambre civile 1, 29 octobre 2002, n° pourvoi : 99-20265, Bulletin 2002, I, n°254, p195.

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