Les projets d’externalisation, d’infogérance sont en plein essor. Nous avons pensé qu’un bref rappel des problématiques majeures – opérationnelles et juridiques – pourrait intéresser un certain nombre d’entre vous.

Voici quelques points d’attention qui sont malheureusement trop souvent négligés:

 

  • Les facteurs de recours à l’externalisation pour une entreprise et le rôle du prestataire.

Les principaux facteurs sont en général :

–          la réalisation d’économies : une des difficultés est de parvenir à évaluer le coût précis de l’externalisation, en particulier lorsque les services concernés étaient jusqu’à présent gérés en interne au sein de l’entreprise.

–          la recherche de qualité du service : les attentes en termes de qualité du service fourni par le prestataire sont d’autant plus grandes lorsque le service externalisé n’est pas le cœur d’activité de l’entreprise et qu’il est difficile d’avoir les compétences requises en interne. L’externalisation permet alors à l’entreprise cliente de se recentrer sur son cœur de métier.

 

  • Les facteurs clés de succès :

–          confier au prestataire un périmètre que l’entreprise cliente maîtrise : l’erreur souvent faite est de confier au prestataire un périmètre non maitrisé en interne, or il est essentiel de conserver au sein de l’entreprise les moyens de contrôler et superviser la  prestation externalisée.

–          choisir un prestataire qui partage l’intérêt de l’entreprise cliente : en effet, il est essentiel que le prestataire soit un professionnel du métier ayant une réelle expérience sur le marché en question et pour qui votre entreprise sera un client de choix.

 –          ne pas négliger la phase de transition, à l’issue de laquelle il est important que le client ne soit pas engagé et que des moyens de sortie éventuels soient prévus.

–          mettre en place des indicateurs de performance et un système de pénalités qui encouragent les progrès mutuels. Au-delà des aspects purement techniques, il est important également de prévoir des indicateurs basés sur le retour, le ressenti des utilisateurs.

–          la collaboration entre l’entreprise cliente et le prestataire, notamment via la mise en place d’instances de pilotage, telles que des comités techniques hebdomadaires, des comités de pilotage mensuels, des comités stratégiques annuels, dont les comptes-rendus de réunions peuvent en outre servir de pièces pour apprécier la responsabilité des parties en cas de litige.

 

  • Certains des aspects sensibles du contrat d’externalisation :

–          la définition des obligations du maître d’ouvrage, principalement l’expression de ses besoins et de ses contraintes d’exploitation, compte tenu de son organisation et de ses problématiques internes ;

–          l’importance de l’obligation d’information, de conseil et de mise en garde du prestataire avant et pendant le projet ;

–          le risque de requalification en clause pénale de la clause aménageant les possibilités de sortie du client moyennant le paiement d’une indemnité destinée à prendre en compte les investissements du prestataire, ce qui donne au juge un pouvoir de révision.

–          l’importance de la rédaction de la clause limitative de responsabilité et sa nécessaire conciliation avec la notion d’obligation essentielle du contrat, qui en régit la validité depuis l’arrêt Faurecia[1]. En effet, la responsabilité ne peut pas être limitée de façon telle qu’elle viderait de toute substance l’obligation essentielle du prestataire. L’appréciation de la validité d’une telle clause se fait au regard de l’économie générale du contrat.

–          l’enjeu de la clause de réversibilité : tout contrat se terminant un jour, il est nécessaire d’anticiper et de garantir la faisabilité de la réversibilité dès le début des prestations pour qu’elle soit effective, notamment par l’identification de tous les documents et outils nécessaires, et  la mise en œuvre d’audits de réversibilité, qui doivent être prévus contractuellement.

 

  • Les conséquences de l’externalisation sur le plan social :

Deux problématiques majeures :

–          D’une part, le sort du personnel affecté à l’entité dont les services sont externalisés peut entrer dans le champ d’application de l’article L 1224-1 du Code du travail qui impose le transfert des contrats de travail en cas de « modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise […] ».

Cette disposition étant d’ordre public, le client et le prestataire ne peuvent eux-mêmes régler le sort des salariés via le contrat d’externalisation.

Mais si l’opération envisagée n’entre pas dans le champ d’application de cet article, les parties peuvent convenir d’un transfert du contrat de travail vers une autre entité juridique, sous réserve notamment que les droits des salariés soient maintenus. Néanmoins il s’agit d’une opération particulièrement délicate nécessitant une analyse approfondie du contexte de ce type d’opération, les risques juridiques auxquels les entreprises s’exposent étant importants.

Il est donc recommandé de mener le projet d’externalisation en négociation avec les représentants du personnel afin d’éviter les litiges avec les salariés sur l’application des dispositions de l’article L. 1224-1.

 

–          D’autre part, l’externalisation des services pouvant impliquer la mise à disposition de salariés du prestataire au profit de l’entreprise cliente, la question du prêt de main d’œuvre illicite[2] est une problématique récurrente dont la sanction – à la fois pour l’entreprise cliente et pour le prestataire – peut aller jusqu’à 2 ans de prison et 30 000 € d’amende (susceptible d’être quintuplée pour les personnes morales).

En effet, ce délit est constitué lorsque la seule force de travail est mise à disposition par des entreprises n’exerçant pas une activité de travail temporaire, sans savoir-faire particulier et sans valeur ajoutée. Le problème peut donc se poser en cas d’externalisation par la mise à disposition des salariés du prestataire sur les lieux de l’entreprise utilisatrice.

Il s’agit de trouver un équilibre consistant, pour l’entreprise utilisatrice, à parvenir à garder un certain savoir-faire, tout en laissant la responsabilité du service au prestataire.

 

En outre, la rédaction du contrat d’externalisation jouera un rôle important, notamment dans :

–          la description du savoir-faire particulier du prestataire,

–          l’encadrement de la réalisation de la prestation qui doit être réalisée sous le contrôle exclusif du prestataire,

–          la rémunération du prestataire qui doit être forfaitaire et non fonction du nombre d’heures réalisées par les salariés du prestataire…

 

Autant d’éléments contribuant à sécuriser l’opération envisagée et à se prémunir contre les risques de qualification du délit de prêt de main d’œuvre illicite.

… pour finir, un facteur clé de succès souvent oublié : l’Humain, placer le au cœur des échanges pendant la construction du projet, mais également pendant l’exploitation : la transparence dans les échanges évite souvent des décalages importants en termes d’attente de chaque partenaire vis-à-vis de l’autre !



[1] Cour de cassation 29 juin 2010 Oracle / Faurecia

[2] Article L 8241-1 Code du travail

Nous contacter