Rupture des négociations : attention à ne pas mettre en jeu votre responsabilité !
25 mai 2012.
Par un arrêt du 11 mai dernier, la Cour d’appel de Paris a condamné la société Speedrent.com pour rupture abusive des pourparlers et l’a condamnée à verser 75 000€ à son prestataire ayant développée son site Internet.
A l’origine de l’affaire :
– Le développement et la mise en ligne du site Internet de la société Speedrent.com par Antoine B. (associé unique de la société Lance Requête) en l’absence de toute rémunération,
– La remise en cause des promesses d’association puis de contrat de travail initialement envisagées par les associés de Speedrent avec Antoine B.,
– La rupture brutale des pourparlers par Speedrent et l’assignation de la société en rupture abusive par Antoine B., ainsi qu’en contrefaçon des droits sur le site Internet en question.
Pour mémoire, en matière de rupture des pourparlers, le principe est la liberté de rupture tant que l’accord sur le contrat n’est pas intervenu : rompre les pourparlers n’est pas une faute en soi.
Toutefois, la jurisprudence considère que si les négociations sont avancées, une partie n’a pas le droit de les rompre de manière « brutale », c’est-à-dire sans raison légitime, sous peine d’engager sa responsabilité. Les parties sont donc tenues à une obligation de bonne-foi et de loyauté dans la rupture des négociations.
En l’espèce, les juges ont notamment pris en compte :
– l’intensité des discussions :
- les nombreuses rencontres et échanges d’emails intervenus entre les parties,
- faisant état de propositions concrètes de la part de Speedrent à Antoine B. qui n’ont cessé de varier (association à parts égales dans une société de technologie à créer, puis salarié d’une filiale à créer et enfin contrat de fourniture de services) et n’ont finalement pas été tenues, et c e, sans motif valable;
- l’implication d’Antoine B qui a travaillé plusieurs mois sur le projet et a réalisé des investissements importants ;
– la durée des pourparlers : les négociations continues entre les parties de juillet 2008 à mars 2009 ;
– leur interruption brutale fin mars 2009 sans explications ni préavis.
La Cour d’Appel a considéré que la société Speedrent et ses associés ont agi avec mauvaise-foi et déloyauté à l’égard d’Antoine B., en ne respectant pas leurs engagements et en rompant de manière abusive les négociations relatives à son association à la société.
En outre, elle a estimé que la qualité « déplorable » du travail d’Antoine B., invoquée par la société Speedrent pour sa défense, n’était nullement démontrée dans les nombreux emails échangés, dont un félicitait au contraire Antoine B. pour son travail et son comportement.
Par conséquent, la Cour a condamné la société Speedrent à verser à Antoine B. :
– la somme de 60 000€ au titre de sa rémunération pour le travail fourni,
– la somme de :
- 10 000€ au titre de l’indemnisation de son préjudice matériel, résidant dans la perte de chance d’avoir un revenu régulier du fait de la rupture,
- 5 000€ au titre de l’indemnisation de son préjudice moral puisqu’il s’est consacré pendant 8 mois exclusivement à ce projet auquel il pensait être associé.
En conclusion, nous vous recommandons:
– de mettre en place des lettres d’intention pour gérer les phases de négociations et les conséquences de leur rupture,
– dans tous les cas d’être vigilant, de respecter votre obligation de loyauté et de permettre la preuve de ce respect notamment dans des écrits : emails ou compte rendus de réunions,
– d’anticiper la rupture des pourparlers pour en éviter le caractère brutal.
Claudia Weber, Avocat Associée et Viola Morel, Elève Avocat
Cabinet ITLAWAvocats
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