Résiliation : le contrat, nécessaire mais pas suffisant ?
24 décembre 2011.
Une illustration : Tribunal de commerce de Paris, 1re ch., 13 sept. 2011, Dimitech c. Pixmania
Un bon contrat doit envisager le pire. Envisager le pire c’est notamment prévoir les conditions de sa rupture.
La rédaction des clauses du contrat et la manière de les mettre en œuvre ne peuvent être prises à la légère et l’arrêt Dimitech c./ Pixmania en fournit une bonne illustration.
Pixmania, société connue pour son site internet, a mis en place, à côté de son activité de vente en ligne, une plateforme appelée Pixplace. Pixplace permet à des tiers de vendre leurs produits aux internautes, Pixmania bénéficiant d’une commission. Dimitech, l’un de ces tiers, est entré en relations avec Pixmania en mai 2009. Ce n’est toutefois qu’en septembre 2010 que ces relations se formalisent, Pixmania ayant soudainement exigé la signature d’un contrat antidaté au 13 mai 2009.
Ce contrat prévoyait 4 cas de résiliation : (i) les parties pouvaient rompre à tout moment moyennant un préavis de 30 jours ; (ii) les parties pouvaient rompre moyennant un préavis de 10 jours en cas de manquement non corrigé de l’autre partie ; (iii) Pixmania pouvait exclure Dimitech moyennant un préavis de 10 jours en cas de manquement non corrigée; (iv) Pixmania pouvait exclure à tout moment et sans préavis Dimitech en cas de manquements graves et non réparables, « notamment en cas d’évaluations positives inférieures à 90% ».
Pixmania, qui a désactivé, sans préavis, le compte de Dimitech le 9 décembre 2010, se prévalait de ce dernier cas.
Résultat : plus d’un million d’euros en dommages et intérêts à payer.
1ère leçon : Ne pas oublier que le contrat s’impose aux parties. Chaque cas de résiliation était assorti dans le contrat d’une condition de forme (notification ou mise en demeure selon le cas). Pixmania ne pouvait faire fi de ces exigences.
Dès lors que le contrat prévoit des conditions pour la résiliation : ces conditions, même de pure forme, doivent impérativement être respectées.
2ème leçon : Une clause de résiliation, aussi favorable soit-elle, peut se retourner contre soi si elle est inapplicable. Pour le Tribunal :
- un taux d’évaluation inférieur à un certain seuil pourrait éventuellement être considéré comme un manquement grave, mais en aucun cas comme un manquement non réparable. La rupture ne pouvait donc en tout état de cause avoir lieu sans respect d’un préavis.
- il était impossible de mettre en œuvre la clause relative à l’insatisfaction des clients étant donné son imprécision. Elle ne précisait pas la période au cours de laquelle ce taux devait être déterminé, la formule de calcul, et la manière dont les avis neutres devaient être affectés. En outre, les modalités de recueil des avis des internautes, et la manière dont ils étaient établis et conservés de façon incontestable n’étaient pas indiquées.
3ème leçon : De l’art de se séparer sans brutalité. Le Tribunal emploie dans son jugement des termes très durs envers Pixmania non seulement car la rupture avait été effectuée soudainement, « du jour au lendemain », mais également en raison de plusieurs circonstances de fait : parmi d’autres, Pixmania avait menti à Dimitech sur le caractère intentionnel de la désactivation de son compte, un faux motif avait été utilisé (il s’avère que Pixmania avait rompu avant tout en raison des difficultés financières de Dimitech), et cette rupture intervenait pendant la lucrative période précédant Noël.
4ème leçon : Le respect du préavis prévu au contrat n’est parfois pas suffisant. Dans le cadre de l’action fondée sur la rupture brutale des relations d’affaires établies, les juges du fond apprécient souverainement les faits au cas par cas pour déterminer la durée de préavis qui aurait du être observée.
Le Tribunal estime en l’espèce que le respect du délai de trente jours prévu par le cas (i) de résiliation aurait été suffisant. La conclusion aurait néanmoins pu être différente compte tenu du fait que la relation entre les parties durait depuis un an et demi, était continue et en progression, et générait 40% du chiffre d’affaires de Dimitech.
Cette décision est très riche et beaucoup pourrait encore être dit.
Il est, notamment, vivement recommandé de :
- rédiger vos clauses de résiliation de manière précise, afin qu’elles puissent réellement être appliquées
- n’oubliez pas de préciser les référentiels d’application, ni les modes de mesure
- lorsque vous envisagez la résiliation : vérifiez que vous ne vous trouvez pas dans une relation d’affaires dite « établie », car dans un tel cas, respecter votre clause de résiliation peut ne pas être suffisant pour éviter une action en résiliation abusive !