Quand l’IA s’invite dans la prestation : un nouveau contrat s’impose
10 octobre 2025.

L’acheteur contractualise une prestation intellectuelle… que se passe-t-il lorsque l’intelligence artificielle s’invite dans le livrable acheté ou dans le processus de réalisation ? Pour protéger l’entreprise, un nouveau contrat s’impose, avec des clauses ciblées et une vigilance accrue.
La mutation du contrat de prestation intellectuelle
L’acheteur croit contractualiser une prestation intellectuelle, c’est-à-dire une intervention humaine fondée sur l’expertise, l’analyse, la création et la recommandation. Cette prestation est de plus en plus souvent produite, en tout ou partie, ou augmentée par des outils d’intelligence artificielle. Le livrable ne résulte alors plus exclusivement d’une action humaine, mais d’un processus technique que le prestataire ne maîtrise pas toujours, et surtout, que l’acheteur ne voit pas. Or, le contrat classique de prestation intellectuelle n’est pas conçu pour encadrer cette zone grise. Le risque ? Se voir livrer un livrable avec des erreurs plus ou moins détectables, un produit non traçable, peu robuste juridiquement, difficile à défendre en cas de litige et qui peut engendrer la mise en cause de votre propre responsabilité avec des conséquences financières importantes : contrefaçon, concurrence déloyale, non-conformité légale, ect…
L’IA dans la prestation : de nouveaux rôles, de nouveaux risques
Pour clarifier le périmètre contractuel, il faut d’abord identifier les rôles que joue l’IA dans la prestation, car chacun implique des risques juridiques distincts :
- IA outil : l’IA est utilisée par le prestataire comme un outil, pour générer le livrable acheté : du code, des images, des synthèses ou des contenus. Cela soulève des enjeux majeurs de traçabilité, de qualité, de respect des droits de propriété intellectuelle et de confidentialité, ainsi que de responsabilité en cas d’erreurs générées par l’IA.
- IA objet du contrat : l’IA est livrée ou intégrée dans le système d’information du client. Il faut alors encadrer sa robustesse, sa conformité RGPD, son niveau de biais, sa maintenance dans le temps et sa conformité à la loi, notamment l’IA Act.
- IA copilote : l’IA est utilisée pour organiser le projet (planification, attribution des tâches, priorisation). Même si elle n’intervient pas dans le livrable, elle peut influencer sa qualité et les arbitrages réalisés. Il faut donc en prévoir la mention, et s’assurer que l’humain reste responsable des décisions
Sécuriser contractuellement : les clauses clés à intégrer
Face à ces nouveaux usages et aux incertitudes qu’ils génèrent, certaines clauses deviennent incontournables pour protéger les intérêts de l’acheteur. Sur la propriété intellectuelle, il est essentiel de distinguer ce qui est créé par l’humain, par l’IA ou de manière conjointe. Le contrat doit préciser qui détient les droits sur les livrables, et encadrer leur usage, leur cession ou leur licence. Côté confidentialité et RGPD, il convient d’interdire l’utilisation d’outils d’IA non maîtrisés pour traiter des données personnelles ou confidentielles. Une clause d’audit ou de conformité RGPD sera très utile. La traçabilité des contenus générés par IA doit aussi être garantie : le prestataire doit s’engager à déclarer tout usage d’IA dans le projet, y compris les outils, prompts ou sources utilisés. Enfin, des garanties nouvelles doivent être intégrées pour traiter les biais discriminants, les contenus illicites ou contrefaisants dans les livrables, que ceux-ci soient produits par l’humain ou par l’IA. Pensez également à intégrer les clauses relatives à l’IA Act lorsque ce texte est applicable.
Une négociation à mener avec finesse
Dans un contexte où le cadre juridique de l’IA est encore en évolution, la négociation contractuelle doit faire preuve de souplesse et d’anticipation. Les contrats-type proposés par les grands éditeurs ou fournisseurs de solutions sont souvent rigides et peu adaptés à la réalité des risques liés à l’IA. Il est impératif de créer un dialogue. Dès la phase de cadrage, une approche “Legal by design” s’impose. Cela suppose de sensibiliser les acheteurs aux risques juridiques, de formaliser les exigences dès le cahier des charges, et de structurer les échanges avec les prestataires autour de ces enjeux. Une démarche que le cabinet ITLAW Avocats mène à travers formations et accompagnements contractuels. Les acheteurs peuvent ainsi sécuriser les prestations intégrant de l’IA par un contrat adapté, une analyse des risques et un suivi rigoureux des outils utilisés. À la clé : des relations plus équilibrées, des livrables fiables, et une responsabilité juridique clarifiée.
Claudia Weber, Avocat associé fondateur ITLAW Avocats.
Cet article est à retrouver dans la revue Profession Achats, par le CNA Conseil National des Achats, n°98 – Juin 2025.
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