En cas de dérapage de projet, le client peut-il obtenir la résolution ou la résiliation du contrat ainsi que l’indemnisation de ses préjudices alors qu’il aura refusé de collaborer avec son prestataire pour résoudre les anomalies ?

C’est la question sur laquelle s’est penchée la cour d’appel de Rennes dans un arrêt du 11 octobre 2022.

Que s’est-il passé ?

  • En 2015, la société Calice, qui exerce une activité de boulangerie (ci-après le « Client »), conclut un contrat avec un prestataire en charge du référencement et de la maintenance de son site web.
  • En 2017, le tribunal de commerce de Lyon place le prestataire en liquidation judiciaire et arrête un plan de cession qui inclut une reprise du contrat avec le Client au profit d’un second prestataire, BH technologies (ci-après le « Prestataire »).
  • En janvier 2018, le Client prévient le Prestataire par LRAR que son site internet affiche le message : « notre boutique en ligne est momentanément indisponible, n’hésitez pas à repasser un peu plus tard » depuis plusieurs semaines.
  • Le Prestataire répond à ce courrier en indiquant au Client que la mention figurant sur le site internet ne peut venir que d’une manipulation du Client lui-même et invite donc ce dernier à le contacter afin qu’ils vérifient ensemble la bonne compréhension du fonctionnement de la solution.
  • Le Client ne répond pas à cette invitation et assigne le Prestataire devant le tribunal de commerce et demande la résolution du contrat ainsi que des dommages et intérêts
  • Le tribunal fait droit aux demandes du Client et prononce ainsi la résolution du contrat et condamne le Prestataire à verser au Client des dommages et intérêts.

La décision de la cour d’appel de Rennes

  • Les deux parties fournissent les mêmes pièces à l’appui de leurs prétentions, qui démontrent que le site internet du Client affiche effectivement un message d’erreur.
  • La Cour rappelle que « La résolution [du contrat] est accordée lorsque les manquements allégués sont d’une importance telle qu’ils empêchent toute reprise de l’exécution du contrat. ».
  • Cependant, la cour d’appel relève que le Client « ne pouvait refuser » l’offre du Prestataire tendant à vérifier les « causes de l’apparition de la mention [notre boutique en ligne est momentanément indisponible] et les moyens d’y remédier ».
  • Selon la cour d’appel, le Client s’est abstenu de rechercher une solution technique avec son co-contractantet ce faisant, il « s’est interdit de démontrer que le grief allégué existe, est pérenne, et interdit toute poursuite du contrat ».
  • Le Client ne peut donc pas se prévaloir d’un grief qui empêcherait toute reprise du contrat car, en refusant de collaborer, il contribue à la persistance du dysfonctionnement.
  • Par conséquent la Cour infirme le jugement et fait droit aux demandes du Prestataire.

Ce qu’il faut retenir

  • L’obligation de collaboration du Client comprend clairement l’obligation de coopérer avec le Prestataire lorsque celui-ci le lui demande pour lui permettre d’exécuter ses propres obligations comme pour diagnostiquer une anomalie afin de la corriger
  • Cela implique notamment que le refus de collaborer est un manquement du Client a ses obligations contractuelles et peut ainsi faire obstacle à ses demandes de résolution, de résiliation du contrat ainsi que de dédommagement.
  • La rupture du contrat doit rester exceptionnelle, le juge rappelle en effet que la rupture d’un contrat intervient uniquement lorsque l’exécution du contrat est rendue impossible du fait des manquements reprochés à son prestataire.
  • Avant d’assigner votre prestataire pour résolution du contrat et demande de dommages et intérêts le client doit s’assurer qu’il a respecté ses obligations contractuelles et qu’il n’a pas empêché le prestataire d’exécuter ses obligations.
  • Dans tous les cas, prévoyez les clauses pertinentes pour anticiper et gérer les éventuels dérapages de projet, par exemple une clause de gouvernance, de gestion des litiges, la répartition des responsabilités, etc…

 

Claudia Weber, avocat fondateur et Brian Robion, juriste | ITLAW Avocats

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