Alors que jusqu’à maintenant la position du Tribunal de grande instance (TGI) de Paris et celle de la Cour d’appel (CA) de Paris s’opposaient sur la reconnaissance de la qualité d’hébergeur d’eBay, deux décisions récentes rendues par ces deux juridictions semblent indiquer l’amorce d’une position commune.

En effet, tandis que la CA de Paris refusait de reconnaître le statut d’hébergeur au bénéfice des sociétés eBay leur permettant de se prévaloir de la responsabilité limitée prévue dans la Loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN), le TGI de Paris persistait à qualifier les sociétés eBay d’hébergeur comme l’illustre la décision qui a été rendue le 13 mars dernier[1].

Une société de création, fabrication et de distribution de vêtements qui reprochait à eBay International AG, exploitant du site www.eBay.fr, de diffuser des annonces reproduisant une de ses marques sans son autorisation, l’avait assigné en contrefaçon de marque.

Le TGI de Paris était donc appelé à se prononcer sur la question de savoir si la responsabilité d’eBay pouvait être engagée pour manquement à son obligation de contrôler les annonces paraissant sur son site ou si eBay pouvait se voir reconnaître le statut d’hébergeur lui permettant de se prévaloir de la responsabilité limitée prévue à l’article 6-I-2 de la LCEN.

En vertu de cet article de la LCEN « Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services si elles n’avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible. »

Le TGI de Paris en retenant que la demanderesse n’établit pas qu’eBay, dans le cadre des transactions entre les clients et les vendeurs du site en cause,  a « un rôle actif de nature à lui conférer une connaissance ou un contrôle des données relatives à ces offres » déduit qu’eBay « qui stocke sur son serveur les offres à la vente fournies par ses utilisateurs, doit être qualifiée d’hébergeur » en vertu de l’article 6-I-2 de la LCEN.

Déjà dans sa décision du 26 octobre 2010[2] rendue suite à l’assignation des sociétés eBay Inc, SARL eBay Europe et SA eBay France, par la même demanderesse, une solution identique avait été retenue.

Cette position contrastait avec celle de la Cour d’appel de Paris qui refusait de reconnaître au bénéfice des sociétés eBay la qualité d’hébergeur[3].

Ces divergences résultaient notamment des critères retenus par le TGI de Paris et la juridiction d’appel pour qualifier le rôle actif des sociétés eBay dans les transactions effectuées via leurs sites.

Tandis que la Cour d’appel considérait que la mise à disposition par les sociétés eBay de fonctionnalités et d’avantages, au bénéfice des vendeurs, pour optimiser leurs ventes était de nature à conférer aux sociétés eBay un rôle actif entraînant l’exclusion de la qualification d’hébergeur, le TGI de Paris jugeait que de tels outils d’optimisation des ventes n’étaient pas de nature à conférer, aux sociétés eBay, une connaissance ou un contrôle des données stockées.

Or, dans la décision du 4 avril dernier[4], la CA de Paris semble se rapprocher de la position tenue par le TGI de Paris.

La CA de Paris était appelée à se prononcer au sujet de la décision rendue par le Tribunal de commerce de Paris le 11 décembre 2009 qui avait débouté le Groupement des brocanteurs de Saleya et le syndicat professionnel CBA de leurs demandes visant notamment à obtenir la condamnation d’eBay France et eBay International AG pour avoir permis à des particuliers d’agir, par le biais du site www.ebay.fr, comme des professionnels de la vente d’objets mobiliers et de se livrer à une concurrence déloyale à l’égard des brocanteurs et antiquaires.

Pour confirmer la décision de première instance, et contrairement à sa position initiale, la CA de Paris retient que les sociétés eBay n’ont pas eu de rôle actif de nature à leur conférer une connaissance et un contrôle des annonces stockées mises en ligne par les vendeurs.

Désormais pour la CA de Paris « le fait de structurer le site et de mettre à disposition des outils de classification des contenus (…) ne saurait priver le site de la protection d’un service d’hébergement alors que les prestations d’optimisation de présentation des annonces si elles concourent à la promotion des offres de vente en facilitant la lisibilité des annonces, n’en demeurent pas moins automatisées et sans incidence sur leur contenu,…(…) le fait de fixer les modalités de son service et de vouloir vérifier la situation d’un vendeur professionnel en lui demandant de fournir des éléments sur ce point ne saurait relever d’un acte d’édition, mais participe du souci légitime d’un service technique d’assurer une mise en relation plus sécurisée de ses utilisateurs. »

 

Ainsi, le critère de l’avantage économique retiré par les sociétés eBay des outils d’optimisation des ventes ne semble pas être déterminant pour retenir le rôle actif de ces sociétés.

 

Il ressort de ces décisions qu’en tant que prestataires de stockage des données, vous pouvez envisager de bénéficier du statut d’hébergeur et de sa responsabilité limitée tout mettant à la disposition de vos utilisateurs des outils d’optimisation sous réserve que vous veilliez à ne pas intervenir sur :

  • le contenu de vos sites et,
  • à l’occasion des transactions effectuées via ces sites, le cas échéant.

 

Nous ne manquerons pas de vous tenir informés des évolutions jurisprudentielles en cette matière.

 

Claudia Weber et Chathurika Rajapaksha

Avocats ITLAWAVOCATS

www.itlaw.fr

 

 


[1] TGI Paris, 3e Ch., 13 mars 2012, SARL MACEO c/ Société eBay International AG

[2] TGI Paris, 3e Ch., 26 octobre 2010, SARL MACEO et a. c/ Société eBay Inc, SARL eBay Europe et SA eBay France

[3] Cour d’appel de Paris Pôle 5, chambre 12, 23 janvier 2012, eBay International / Burberry Ltd et autres : CA de Paris avait approuvé le TGI de Fontainebleau qui avait refusé de reconnaître au bénéfice de la société eBay International AG la qualité d’hébergeur et l’avait condamné pour recel de vente de produits présentés sous une marque contrefaite.

[4] Cour d’appel de Paris Pôle 5, chambre 1, 4 avril 2012, Groupement des brocanteurs de Saleya, CBA / eBay France et Ing.

Nous contacter