Un nouvel épisode de la saga Google vient confirmer le statut particulier des moteurs de recherche quant aux données personnelles.

En l’espèce, les requérants avaient été victimes de diffamation sur un site internet et une page Facebook, dont l’auteur a été condamné par le tribunal correctionnel. Néanmoins, lorsqu’ils effectuaient une recherche sur Google, leurs patronymes renvoyaient vers les liens du site internet et de la page Facebook contenant les propos jugés diffamatoires.

Ils ont alors demandé au moteur de recherche Google de déférencer, c’est-à-dire de supprimer les liens litigieux.

Suite à l’absence de réaction du moteur de recherche, les demandeurs ont saisi le tribunal de grande instance (TGI) de Paris afin que Google France, sous peine d’astreinte, procède à la suppression des liens.

Arguments des parties :

L’argument principal de la société Google France résidait en la contestation de son statut d’éditeur:

  •  Google France estime qu’elle n’a qu’une activité de fourniture de prestations de marketing et de démonstration à visée purement publicitaire, étrangère à toute activité éditoriale ou d’exploitation de site internet.
  •  La défenderesse estime que c’est uniquement la société Google Inc qui est responsable du traitement des données en tant qu’éditeur et exploitant du moteur de recherche.

En conséquence, la défenderesse estime que les requérants auraient dû se tourner vers cette société Google Inc en tant que responsable du traitement des données.

Le rejet de l’argumentaire de la société Google France par le Tribunal :

Dans son ordonnance du 16 septembre 2014[1], le TGI de Paris déclare la demande contre Google France recevable et prononce la condamnation de Google, au motif que :

  • « si la société Google Inc est certes l’exploitant du moteur de recherche, Google France, qui en est une filiale à 100%, a pour activité la promotion et la vente d’espaces publicitaires liés à des termes recherchés au moyen du moteur édité par Google Inc, et assure ainsi, par l’activité qu’elle déploie, le financement de ce moteur de recherche » ;
  •  Le tribunal reprend ainsi le raisonnement déjà opéré par la Cour de Justice de l’Union européenne dans un arrêt du 13 mai 2014[2], qui avait considéré que « les activités de l’exploitant du moteur de recherche et celles de son établissement situé dans l’Etat membre concerné sont indissociablement liées ».  Ainsi, Google France devait également répondre du traitement des données à caractère personnel. 

En conséquence, les requérants sont recevables en leur demande dirigée contre Google France, tendant à ce qu’elle effectue les diligences nécessaires pour mettre fin aux atteintes qu’ils dénoncent. Ainsi, le TGI enjoint à Google France de faire procéder à la suppression des liens litigieux sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard.

Les partisans du droit à l’oubli, notamment la CNIL, ne pourront être que ravis de cette décision[3]. Cet arrêt s’inscrit dans un mouvement de responsabilisation des moteurs de recherche qui sont de plus en plus condamnés.

En effet, si auparavant, l’exploitant d’un moteur de recherche n’avait aucune obligation de surveillance quant au contenu des sites, l’arrêt récent de la CJUE a marqué un tournant en refusant le rôle purement technique que joue le moteur de recherche: « l’exploitant d’un moteur de recherche sur internet est responsable du traitement qu’il effectue des données à caractère personnel qui apparaissent sur des pages web publiées par des tiers ».

Ainsi, les moteurs de recherche doivent dorénavant prêter attention aux demandes qui leurs sont soumises afin de respecter le droit à l’oubli. Désormais, tout individu peut demander, en référé, la suppression de son patronyme si, lorsqu’il est utilisé en tant que requête, il apparaît des résultats « inadéquats, pas ou plus pertinents ou excessifs au regard des finalités du traitement ».

En conclusion et afin de protéger votre e-réputation,  nous vous recommandons notamment de :

  • Vérifier régulièrement les Urls indexées à votre nom, société par le moteur de recherche ;
  • En cas de propos inadéquats ou excessifs, vous pouvez adresser directement une demande au moteur de recherche afin de supprimer le lien litigieux dans la barre de recherche, sans disposer d’une décision de justice. Cette demande se fait en général par le biais de formulaire[4].
  • Ou encore saisir le juge des référés pour faire respecter ce droit au déférencement des données à caractère personnelles

 

Claudia WEBER, Avocat Associé et Audrey COHAS, Avocat 

ITLAW Avocats

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[1] TGI Paris, ordonnance de référé, 16 septembre 2014 (n° 14/55975), M. X et A. c/ Google France

[2] CJUE, Gde Ch., 13 mai 2014, aff. C-131/12.

[3] Le G29 (Groupe européen des autorités de protection) avait proposé dernièrement à Google un pack de mesures permettent de se mettre en conformité avec les législations en vigueur sur les données à caractère personnel

[4] http://support.google.com/webmasters/bin/answer.py?hl=fr&answer=164734

 

 

 
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