La liberté, à l’heure du numérique, passera-t-elle par la neutralité du Net ?
8 avril 2013.
Si jusqu’à maintenant la ministre déléguée chargée de l’Innovation et de l’Economie numérique, Fleur Pellerin, n’avait pas trouvé urgent de légiférer sur la neutralité du Net, cela est dorénavant devenu une priorité du gouvernement après qu’un filtre des publicités fut mis en place par un fournisseur d’accès internet début janvier.
En effet, cet épisode a mis en exergue l’opposition entre les opérateurs télécoms et les FAI qui, face à l’explosion du trafic vidéo gourmand en bande passante, reprochent aux éditeurs de services Web de ne pas participer au financement des réseaux. Ces derniers se retranchent quant à eux derrière le principe de non discrimination des contenus, fer de lance du principe de neutralité du Net, selon lequel les opérateurs télécoms ne sont que de simples transmetteurs d’informations pour que les utilisateurs aient librement accès à l’architecture communicationnelle.
Benjamin Bayart[1] a ainsi proposé quatre principes essentiels à la neutralité du Net :
– la transmission des données par les opérateurs sans en examiner le contenu ;
– la transmission des données sans prise en compte de leur source ou de leur destination ;
– la transmission des données sans privilégier un protocole de communication ;
– la transmission des données sans en altérer le contenu.
Or, les équipements techniques qui forment le réseau Internet rendent désormais possible une gestion discriminatoire du trafic : cela pourrait permettre aux opérateurs de développer des modèles économiques qui restreignent l’accès à internet pour leurs abonnés ou limitent leur capacité de publication.
L’association La Quadrature du Net rappelle que plusieurs Etats membres possèdent déjà des offres d’accès restreintes, laissant présager que dans le futur « seuls les utilisateurs d’Internet en mesure de payer un accès privilégié pourront bénéficier des pleines capacités du réseau ».
L’exécutif a donc saisi le Conseil national du numérique, afin que soit créé un groupe de travail sur la neutralité du net pour étudier « l’effectivité du cadre juridique actuel dans le but de protéger la liberté d’expression et de communication des internautes. »
Les résultats ne se sont pas fait attendre : le CNN a adopté à l’unanimité un avis qui recommande au gouvernement de légiférer, puisque le rapport rendu le 12 mars dernier estime que :
– « la liberté d’expression n’est pas suffisamment protégée dans la loi française face au développement des pratiques de filtrage, de blocage, de censure, de ralentissement » ;
et juge que :
– « le principe de neutralité doit être reconnu comme un principe fondamental nécessaire à l’exercice de la liberté de communication et de la liberté d’expression, et de l’inscrire dans la loi au plus haut niveau des normes ».
Le gouvernement a assuré que cette proposition ne restera pas lettre morte et qu’en 2014 la neutralité sera intégrée à une Loi plus générale sur « la protection des droits et des libertés sur le numérique », qui garantira un accès à l’information pour l’ensemble des usagers. En ce sens, l’ARCEP a déjà annoncé cette dernière semaine de mars la mise en place d’un dispositif de mesure et de suivi de la qualité du service d’accès à internet, indicateur essentiel du niveau de neutralité des réseaux.
A suivre …….