Que se passe-t-il lorsqu’un vendeur ne précise pas certaines informations essentielles dans son bon de commande ? L’acheteur peut-il demander la nullité de la vente ?

C’est la question à laquelle répond la Cour de cassation, dans un arrêt en date du 20 décembre 2023[1], dans le cadre d’une vente entre un professionnel et un consommateur.

Quels sont les faits ?

Un consommateur a conclu un contrat avec un vendeur professionnel concernant la vente, l’installation et la mise en service de panneaux photovoltaïques.

Toutefois, le bon de commande du vendeur professionnel omettait certaines mentions concernant les produits achetés. Le consommateur l’a donc assigné en justice pour faire annuler le contrat.

Le tribunal judiciaire d’Amiens, puis la cour d’appel d’Amiens a fait droit à la demande des consommateurs. En effet, il a été considéré que le vendeur professionnel n’avait pas communiqué certaines informations essentielles au consommateur. Le vendeur professionnel a donc manqué à son obligation précontractuelle d’information, entraînant dès lors la nullité du contrat.

Estimant que la cour d’appel n’a pas correctement appliqué la loi, le vendeur professionnel a saisi la Cour de cassation.

Quels sont les arguments du vendeur professionnel ?

Le vendeur professionnel considère que la méconnaissance d’une obligation précontractuelle d’information n’entraîne pas nécessairement la nullité d’un contrat. Selon lui, pour pouvoir appliquer la sanction de la nullité du contrat, il aurait fallu que la cour d’appel :

  • Démontre en quoi les informations manquantes sur son bon de commande portaient sur des éléments déterminants du consentement du consommateur ; et
  • Caractérise quel était le vice du consentement concerné ici (erreur, dol ou violence, tel que précisé à l’article 1130 du Code civil).

Toutefois, la Cour de cassation n’a pas suivi son raisonnement.

Quelle est la position de la Cour de cassation ?

La Cour de cassation a confirmé la décision de la cour d’appel, en s’appuyant sur la combinaison de deux articles :

  • L’article L.111-1 du Code de la consommation qui consacre une obligation précontractuelle d’information à la charge d’un vendeur professionnel à l’égard du consommateur. Ainsi, le vendeur professionnel doit, avant la conclusion d’un contrat à titre onéreux, lui communiquer un certain nombre d’informations. Par exemple, le vendeur professionnel doit informer le consommateur des caractéristiques essentielles du bien ou du service qui fera l’objet d’un contrat ou encore la date ou le délai de livraison. Toutefois, cet article ne prévoit pas expressément la nullité du contrat si le vendeur professionnel ne communique pas les informations qu’il liste.
  • L’article 1112-1 du Code civilqui met également en avant une obligation précontractuelle d’information entre deux parties, mais cette fois-ci, peu importe la qualité des parties (qu’elles soient des consommateurs ou des professionnels) : A ce titre, si une partie considère qu’une information, qui ne lui a pas été communiquée, était déterminante de son consentement, elle doit le prouver. Ce devoir d’information ne peut être limité ni exclu et s’il n’est pas respecté, il peut entraîner l’annulation du contrat, dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants du Code civil[2].

Dans les faits, le bon de commande ne mentionnait pas précisément les caractéristiques essentielles des panneaux photovoltaïques ni le délai de livraison et d’installation des produits. Le vendeur professionnel a donc manqué à son obligation précontractuelle d’information au titre de l’article L.111-1 du Code de la consommation.

Or, il est vrai que cet article ne précise pas la sanction en cas de manquement à cette obligation. Toutefois, les informations manquantes sur le bon de commande portaient sur des éléments essentiels du contrat. Dès lors, il en résultait nécessairement que ce défaut d’information avait vicié le consentement du consommateur sur ces éléments.

A cet égard, la Cour de cassation précise le vice du consentement : la conclusion du contrat n’a pu être que le résultat d’une erreur, puisque le consommateur n’a pas reçu des informations qui étaient déterminantes de son consentement.

La sanction énoncée à l’article 1112-1 du Code civil était donc applicable : le contrat devait être annulé.

Et en IT ?

Cette décision de la Cour de cassation concernait un contrat relatif à des panneaux photovoltaïques entre un vendeur professionnel et un consommateur.

Cependant, elle peut tout à fait être transposable en matière IT, par exemple pour une vente d’un matériel informatique ou encore d’une souscription d’une licence pour l’utilisation d’un logiciel.

L’article L.111-1 du Code de la consommation précise d’ailleurs que le professionnel doit communiquer au consommateur certaines informations dans le cadre d’un contrat à titre onéreux portant sur un bien ou sur un service numérique, comme leurs fonctionnalités.

Un prestataire IT doit donc nécessairement communiquer les informations listées à l’article L.111-1 du Code de la consommation à ses clients. A défaut, le client pourrait alors invoquer la nullité de l’accord, si les informations manquantes portaient sur des éléments essentiels du contrat.

 

Que faut-il retenir dans le cadre d’un achat IT entre un consommateur et un professionnel ?

 

  • Un professionnel est tenu à une obligation précontractuelle d’information à l’égard des consommateurs, dont les informations à communiquer sont notamment listées à l’article L.111-1 du Code de la consommation.
  • Si l’une de ces informations est manquantes, demander l’annulation du contrat est envisageable, sous réserve que cette information était déterminante du consentement du consommateur.

Et QUID d’un contrat IT conclu entre professionnels ?

Entre professionnels, le Code de la consommation n’est pas applicable. Cependant, le Code civil s’applique, tout comme le Code de commerce.

Le devoir précontractuel d’information, sous l’égide de l’article 1112-1 du Code civil du Code civil, reste donc de mise.

Et attention également à bien s’assurer de respecter les dispositions du Code de commerce !

 

En effet, l’article L.441-2 du Code de commerce dispose que tout prestataire de services doit respecter les obligations d’information de l’article L.111-2 du Code de la consommation. Outre le fait que cet article fait mention d’un certain nombre d’informations à communiquer à l’acheteur, il fait également référence à l’article L.111-1 du Code de la consommation !

La boucle est donc bouclée. Acheteur ou prestataire, soyez vigilants à bien communiquer les informations qui sont déterminantes pour le consentement de l’autre. Sinon, gare à la nullité !

Zannirah Randera, avocat IT/IP/DATA et Claudia Weber, avocat associé fondateur | ITLAW Avocats

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[1] Arrêt de la Cour de cassation, 20 décembre 2023, n°22-18.928

[2] L’article 1130 du Code civil  liste les vices du consentement (erreur, dol ou violence). En effet, le consentement est l’une des conditions nécessaires pour la validité d’un contrat. Si le consentement d’une partie est vicié, cela signifie que cette partie n’aurait pas conclu de contrat ou l’aurait conclu à des conditions considérablement différentes. Dans ce cas, la nullité du contrat pourrait être invoquée.

 

 

 

 

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