Par un arrêt du 10 avril 2018, la chambre criminelle de la Cour de cassation juge que le seul déplacement d’un onglet à un autre d’un article constitue une nouvelle publication faisant courir un nouveau délai de prescription, dès lors que ce sont des contenus identiques qui sont maintenus sur le même support.

 

La loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse, définissant les conditions de l’action en diffamation, prévoit un délai de prescription particulièrement court pour intenter ce type d’action. Sauf cas particuliers, ce délai est de 3 mois à compter de la publication des propos litigieux.

En l’espèce, une société d’édition avait porté plainte et s’était constituée partie civile le 16 février 2016 du chef de diffamation publique en raison de la publication sur le site Wikipédia, les 7 et 12 novembre 2015, d’un article que la plaignante estimait attentatoire à son honneur et à sa réputation. A l’issue de l’information, le juge d’instruction avait rendu une ordonnance de non-lieu en raison de la prescription de cette action (plus de 3 mois s’étaient écoulés entre la publication de l’article litigieux et l’action en justice du plaignant).

La plaignante avait alors – sans succès – interjeté appel de cette ordonnance de non-lieu devant la chambre de l’instruction.

Pour contester ces décisions, la plaignante faisait valoir que, postérieurement à la première publication des propos litigieux sur le site Wikipédia, les auteurs de ces propos avaient déplacé le contenu litigieux de l’onglet « historique » vers l’onglet « article » de la même page Wikipédia. Cette action constituant une publication nouvelle du contenu litigieux, faisant courir un nouveau délai de 3 mois pour la prescription de l’action en diffamation.

Dans l’arrêt commenté, la Cour de cassation suit ce raisonnement et casse l’arrêt de la chambre de l’instruction. La Cour de cassation juge que « toute reproduction, dans un écrit rendu public, d’un texte déjà publié, est constitutive d’une publication nouvelle dudit texte, qui fait courir un nouveau délai de prescription ; qu’une nouvelle mise à disposition du public d’un contenu précédemment mis en ligne sur un site internet dont une personne a volontairement réactivé le contenu initial sur le réseau internet, après qu’il eut été retiré, constitue une telle reproduction de la part de cette personne ».

En conclusion, cet arrêt vient réaffirmer les spécificités en matière de prescription des actions judiciaires visant les propos injurieux ou diffamatoires proférés en ligne. Ainsi sont notamment susceptibles de constituer une publication nouvelle :

  • L’insertion d’un lien hypertexte renvoyant vers un écrit antérieurement publié[1];
  • La réactivation d’un site internet contenant des propos injurieux ou diffamatoires[2];
  • Ou encore, le « retweet » de tels propos sur les réseaux sociaux[3].

 

[1] Crim. 2 nov. 2016, no 15-87.163

[2] Crim. 7 févr. 2017, n° 15-83.439

[3] Rep. Min. n°15417, JO Sénat Q du 07/04/2016

 (Lire l’arrêt)

 

ITLAW Avocats

https://www.itlaw.fr

Nous contacter