La mise en place d’un ERP au sein d’une organisation est une opération complexe qui nécessite une totale collaboration entre le client et le fournisseur/intégrateur à chaque étape de l’intégration – avant-vente, négociation du contrat, réalisation de l’intégration.

A défaut, l’échec du projet est prévisible, comme en témoigne une récente décision.

Comment s’en prémunir ?

Un logiciel ERP, ou Enterprise Resource Planning, est une application informatique intégrée au cœur du système d’information pour optimiser la gestion globale des activités et des ressources d’une entreprise, tout en simplifiant la prise de décisions grâce à la centralisation des données et des processus au sein d’un système unique.

Les contrats d’intégration d’ERP sont complexes en raison de leur dimension multiple : multiplicité des acteurs (éditeur + intégrateur + hébergeur (de plus en plus souvent) + tiers mainteneur parfois), diversité des fonctionnalités à intégrer qui doivent prendre en compte des enjeux, une organisation et une stratégie spécifique par la personnalisation, diversité des prestations (réalisation de développements spécifiques, TMA, évolutions, conduite de projet, formation, accompagnement au changement, hébergement, cloud et hybridation, stratégie BI, …), interconnexion avec les systèmes existants qui ont parfois des conséquences sur les métriques de l’éditeur ….

Une affaire récente jugée par la Cour d’appel de Pau le 9 janvier 2023 met en évidence comment le respect du principe de collaboration de bonne foi est essentiel pour se prémunir de l’échec du projet, et éviter les dépenses inutiles de part et d’autre !

Que s’est-il passé ?

La société Head Gestion (ci-après le « Client ») avait commandé par contrat du 9 juillet 2019 à la société Gmt conseil (ci-après le « Prestataire ») des licences d’un ERP  et un ensemble de prestations d’audit, d’intégration de formation et de maintenance (ci-après « Le Projet »).

Le Projet commence et le Prestataire émet un certain nombre de factures pour un montant de 24.772,80 euros TTC que le client refuse de payer, sans toutefois prendre l’initiative d’une résiliation du contrat.

Le Projet s’arrête et le Prestataire obtient une ordonnance du président du tribunal de Pau le 17 juillet 2020 enjoignant le Client à payer les factures.

Le Client forme alors opposition de cette ordonnance et obtient une décision du tribunal en sa faveur.

Par un jugement du 29 juin 2021, le tribunal juge  dit que le Prestataire a gravement manqué à ses obligations contractuelles et n’a pas satisfait à son obligation de résultat, et prononce la résolution judiciaire du contrat aux torts exclusifs du Prestataire.

Le Prestataire interjette appel de cette décision.

La décision de la Cour d’appel de Pau

La Cour relève tout d’abord que l’obligation contractée par le Prestataire auprès du Client était de convention expresse une obligation de moyens et non pas de résultat, comme l’avait pourtant relevé le tribunal, au motif que cette obligation prenait « en compte les aléas inhérents à l’absence de maîtrise de l’environnement d’implantation de la solution informatique, de sorte que la responsabilité du prestataire ne peut être engagée que pour faute prouvée »,

Elle procède ensuite à l’examen du comportement de chacune des parties dans l’exécution du contrat pour en conclure que « la rupture des relations contractuelles, courant 2020, est imputable aux deux parties qui n’ont pas exécuté de bonne foi, pour des raisons propres à chacune d’elles, et non tirées du comportement de l’autre, qui ont conduit à mettre en échec l’exécution du contrat d’intégration de l’ERP. »

Elle prononce en conséquence la résolution du contrat aux torts partagés des deux parties et non pas aux torts exclusifs du Prestataire, comme l’avait fait le tribunal.

Pour arriver à cette conclusion, la Cour examine l’historique du Projet, relève  tous les motifs qui ont conduit à son échec et recherche à qui en imputer la responsabilité.

S’agissant du Prestataire, la Cour relève les manquements suivants :

  • Le Prestataire a imposé un démarrage prématuré du déploiement du logiciel, en période de fermeture estivale du Client, avant même que le serveur nécessaire à l’installation de l’ERP et prévu dans le contrat, ne soit livré au Client ;
  • cette précipitation a nécessité l’utilisation provisoire d’un service d’hébergement tiers ce qui a généré des frais inutiles supportés par le Client et a généré la facturation prématurée de prestations d’assistance alors que l’ERP n’était pas encore déployé et opérationnel
  • le Prestataire a facturé un audit préalable au Client, sans qu’il soit établi que cette prestation avait réellement été effectuée ;

Le Prestataire a mis un terme à son activité d’intégrateur de l’ERP et s’est séparé des salariés compétents pour cette activité, sans s’assurer qu’il pourrait mener à bien le Projet, ni proposer de solution alternative crédible.

S’agissant du Client, la Cour relève les manquements suivants :  

  • Le Client est resté passif et ne s’est pas opposé aux interventions prématurées du Prestataire et a accepté les formations dispensées à ses salariés ;
  • Le Client a créé des difficultés pour l’organisation des plannings des travaux ;
  • Le Client n’a pas immédiatement répercuté au Prestataire le fait que le conseil régional avait refusé de lui accorder une subvention nécessaire à l’équilibre financier du Projet, laissant s’exécuter le contrat sans effectuer un quelconque règlement.

La Cour en conclut que « les deux parties chacune poursuivant ses propres intérêts au détriment d’une saine collaboration ont contribué à mettre en échec l’exécution du contrat ».

Au final, en raison de leur manque de collaboration réciproque et de la poursuite exclusive de leur propre intérêt, le Prestataire et le Client ont été perdant, le Prestataire par la réalisation de prestation dont elle n’a pas pu obtenir le paiement et le Client par le paiement de prestations non réalisées ou inutiles et le temps perdu en formation de son personnel.

 

Ce qu’il faut retenir

Un projet d’intégration d’un ERP ne peut réussir que si toutes les parties prenantes s’impliquent de bonne foi dans le projet, à tous les stades.

L’outil garantissant cette implication est avant tout le contrat qui doit mettre en place un cadre clair et sain et anticiper les difficultés :

  • En définissant la nature des obligations de chacun ;
  • En définissant clairement les prestations, le calendrier et les rôles et responsabilités de chacun ;
  • En prévoyant des mécanismes souples et réalistes d’adaptation en fonction de l’évolution du projet ;
  • En anticipant les difficultés par la mise en place de procédures simples de règlement des difficultés.

En cas de dérive du projet, la passivité n’est pas une solution pour la victime de la dérive qui ne doit pas se désintéresser de la poursuite du projet sous prétexte que son co-contractant serait à l’origine des difficultés rencontrées. Afin d’éviter que sa propre responsabilité puisse être engagée, même partiellement, celle-ci doit :

  • Porter une grande attention au déroulement du projet ;
  • Remplir ses propres obligations de bonne foi ;
  • Réagir rapidement et de manière proportionnée à tous les signes de dégradations, notamment en documentant les difficultés rencontrées et en mettant en demeure le co-contractant d’y remédier ;
  • Mettre en œuvre les procédures contractuelles prévues.

 

Claudia WEBER, avocat associé fondateur d’ITLAW Avocats et Jean Christophe IENNE, avocat Directeur des pôles PI, Internet et Audiovisuel| ITLAW Avocats

Besoin d’accompagnement pour rédiger des clauses robustes, qui ont été éprouvées tant en négociation que devant les tribunaux ? pour gérer une dérive de projet ou un contentieux informatique ?

Le Cabinet ITLAW Avocats, fort de son expertise de presque 30 ans en matière de nouvelles technologies et de protection des données personnelles est à votre disposition pour répondre à vos questions et trouver les solutions adaptées à votre contexte et vos besoins.

ITLAW Avocats met à votre service son expérience et son expertise en la matière.

ITLAW Avocat mobilise ses talents et son expertise en matière de contrats, d’innovation, de projets informatiques complexes, de protection des données personnelles et de propriété intellectuelle  ainsi que sa connaissance de l’écosystème IT  pour vous accompagner dans la sécurisation de vos projets, la gestion des dérapages et votre compliance.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nous contacter