Droit d’auteur : la banalité n’exclut pas l’originalité
14 juin 2019.
Dans un arrêt du 10 avril 2019, la 1re chambre civile de la Cour de cassation rappelle les règles relatives à l’appréciation de l’originalité d’une œuvre en droit d’auteur, applicables à une œuvre présentant une combinaison d’éléments.
En l’espèce, la société Universal Music France reprochait à la société Mondadori magazines France d’avoir distribué en 2013 des CD dont les jaquettes reproduisaient les caractéristiques originales de pochettes de disques qu’elle avait elle-même commercialisés entre 2003 et 2009, pochettes dont elle déclarait être investie des droits d’auteur.
En défense, la société Mondadori soutenait que les pochettes en question étaient dépourvues d’originalité et donc qu’elles ne donnaient pas prise au droit d’auteur.
Pour bénéficier de la protection du droit d’auteur, une œuvre doit en effet être originale, c’est-à-dire refléter la personnalité de son auteur.
Le critère d’originalité applicable à une combinaison d’éléments
La cour d’appel de Versailles avait suivi l’argumentation de la société Mondadori et considéré que les pochettes étaient dépourvues d’originalité. La cour d’appel relève, en effet, que “la typographie est banale, que l’indication du nom de l’artiste en lettres capitales jaune primaire, légèrement arrondies “ne témoigne d’aucune singularité artistique”, que la typographie joue sur l’alternance de couleurs plus ou moins vives et variées dont il résulte une impression de gaieté propre aux années « yéyé », sans qu’aucun de ces éléments soit de nature à témoigner de l’empreinte de la personnalité de leur auteur, qu’il en est de même de l’emplacement des titres dans un bandeau horizontal, caractéristique des disques des années 60 et que cette absence d’originalité est confirmée par des spécimens d’autres pochettes de disques de ces années où l’on retrouve pareillement couleurs vives, bandeaux et décalage horizontal de certaines lettres”.
La Cour s’était donc attachée à rechercher l’originalité dans chacun des éléments composant les pochettes, sans s’attacher à l’impression d’ensemble.
Sur pourvoi de la société Universal Music France, la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel au visa de l’article L.111-1 du Code de la propriété intellectuelle. Elle juge, en effet, que la cour d’appel a utilisé des “motifs impropres” pour déterminer si les pochettes en question étaient originales.
L’originalité, selon la Cour, doit “être appréciée dans son ensemble au regard de la combinaison des différents éléments, mêmes banals, les composant”. Dès lors, la cour d’appel, en s’attachant à chercher l’originalité de chaque élément des pochettes et non pas l’originalité de l’ensemble a fait une appréciation inexacte du critère d’originalité.
Cette solution est classique et l’on peut s’étonner que la cour d’appel n’en ait pas fait application.
On peut citer en ce sens, par exemple, un arrêt du 24 octobre 2018 de la même chambre de la Cour de cassation, approuvant une cour d’appel d’avoir jugé à propos de modèles de tasses que “si chacun des éléments de la combinaison revendiquée par la société Etablissements Coquet était connu de longue date, en revanche, la combinaison de ceux-ci ne l’était pas et conférait aux modèles d’assiettes et de soucoupes de la gamme “Hémisphère”, un aspect d’ensemble traduisant un effort créatif porteur de leur originalité”.
Pour de telles œuvres, en contrepartie d’une appréciation extensive de la notion d’originalité, la protection conférée par le droit d’auteur sera limitée à l’originalité de la combinaison et ne portera pas sur chacun des éléments de cette combinaison.
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